Vendredi 9 janvier 2015. Un vendredi comme un autre, sauf
que ce matin, je n’entendrai pas une de mes chroniques préférées à la radio.
C’était comme une habitude, un rendez-vous de la matinale, le débat économique
entre Dominique Seux des Echos et …… Bernard Maris.
Pas besoin de bien connaître les règles de l’économie pour avoir goûté le plaisir de cette joute
verbale entre les deux journalistes. Un moment privilégié qui faisait avancer
les idées dans le respect des intervenants et des auditeurs et toujours dans la
bonne humeur. Un moment de grâce pour commencer la journée.
Depuis hier, France Inter est en deuil. Une minute de
silence observée et l’antenne ouverte aux témoignages des journalistes, des
amis, des anonymes. Ils furent nombreux.
Bien sûr, d’autres chroniqueurs viendront et avec eux
d’autres habitudes. Une succession d’habitudes qui font le fil du temps, dans
les médias comme dans nos vies…
Mais voilà, Bernard Maris n’est plus, fauché par l’ignorance
et la barbarie. Comme onze autres personnes dont la voix s’est tue à jamais.
Pour Charlie, c’était « Oncle Bernard ». Et un
autre rendez-vous les lecteurs du journal.
Si je savais dessiner, je ferais son portrait en quelques
coups de crayon comme le faisait si bien Cabu.
Alors quelques mots pour dire que Bernard Maris, outre la
voix familière de France Inter, était ce qu’on appelle communément «
un homme bien ». Un économiste iconoclaste. Un humaniste avant tout. Pour
preuve, un de ses livres, Antimanuel d’économie. Ce livre, paru en 2003, je
l’avais offert au fils d’un couple d’amis, étudiant en sciences éco … L’a-t-il
lu, gardé… Je ne sais pas et les amis d’alors je les ai depuis perdus de vue…
Le dernier livre de Bernard Maris, je l’ai acheté, pour moi.
Son titre : Houellebecq économiste.
Un extrait du prologue où comme souvent Maris,
irrévérencieux, se moque de la discipline qu’il enseigne : Qui se
souviendra de l’économie et de ses prêtres, les économistes ? Dans
quelques décennies, un siècle, plus tôt peut-être, il apparaîtra
invraisemblable qu’une civilisation ait pu accorder autant d’importance à une
discipline non seulement vide mais terriblement ennuyeuse, ainsi qu’à ses
zélateurs, experts et journalistes graphicomanes (…). L’économiste est celui
qui est toujours capable d’expliquer « ex post » pourquoi il s’est,
une fois de plus, trompé.
On oubliera peut-être certains économistes mais jamais
Bernard Maris.
Les circonstances de sa disparition seront gravées dans nos
mémoires. Son assassinat est intervenu le jour de la sortie du dernier livre de
Michel Houellebecq, Soumission.
Peut-être Maris en aurait parlé ce matin, sur Inter … On ne
le saura jamais mais on a le droit et la liberté de l’imaginer. Et aussi d’être
triste, de se sentir orphelins, et plus rebelles que soumis...
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