En ce mois d’août, comme chaque année, la Part-Dieu a pris
ses quartiers. A l’image de ses habitants. Enfin presque… Car au cœur de l’été 2016, cette partie de la
ville fourmillait encore de projets. A commencer par le chantier de mise en double
site propre du C3. Cela ne parlera pas vraiment aux personnes étrangères à
l’agglomération- et je m’en excuse par avance auprès d’elles- mais pour éclairer
un peu l’enjeu, il me suffira de préciser que cette ligne de trolley transporte en moyenne 55 000 passagers
quotidiennement. Desservant Vaulx en Velin jusqu’à la gare St Paul, elle est la
plus fréquentée de Lyon. Voilà pour les
présentations.
Concrètement, la transformation va s’échelonner sur
plusieurs années, et à ce stade de
l’opération, il faut bien le reconnaitre, le cours Lafayette ressemble plus à
un champ de bataille qu’à une voie apaisée. C’est d’ailleurs assez curieux de voir la vie
souterraine d’une de nos plus grandes artères ainsi révélée aux passants. On ne
l’imaginait pas si foisonnante… Outre les différents réseaux mis à nu, des
tranchées émergent le lit du Rhône, ses sables
gris et ses galets polis. Nous sommes à deux pas du quartier des Brotteaux ,
ancienne plaine alluviale du fleuve. Certes, loin de la plage idéale, c’est un
peu une poésie du chaos qui se dessine le long des trottoirs, de linéaires de
tuyaux en strates de bitume exhumés. Ici
et là, des égouts à ciel ouvert, des panneaux et des barricades partout sur la
chaussée. Comme des « checkpoint » pour protéger de la circulation les
hommes qui travaillent dans la poussière et la chaleur tardive de l’été, les
gravats, le bruit des machines. Ailleurs, des pansements provisoires posés sur
l’asphalte, en attendant la prochaine intervention, la prochaine trouée.
Alors les riverains, dont je fais partie, ont vraiment hâte
de passer à l’étape suivante, et au programme de reconstruction. Le temps
viendra – il faut savoir être patient- d’une avenue fraiche et pimpante, repeuplée
d’arbres aux essences choisies et adaptées à la vie citadine, dépolluant l’air
de leur feuillage alvéolé. Divine chlorophylle ! Du trolleybus, on
regardera les frondaisons s’épanouir, fleurir au printemps et puis se faner
doucement sous les feux d’octobre. Les arbres symbolisent avec une telle
majesté le cycle de la vie.
Mais ici, plus de platanes – trop fragiles, hormis les « rescapés »
de la rue Juliette Récamier, et point de
marronniers ! On nous en abreuve suffisamment en ces temps de rentrée… A peine rangés les maillots, c’est déjà le
retour de la grande lessive. Celle des
politiques se préparant à l’échéance électorale à venir et celle des médias postés aux avant-gardes.
On l’a encore constaté avec cette querelle de chiffonniers autour du burkini.
Tout ça pour ça… A cet objet de polémique, je préfère une autre image de plage singulière,
celle du protagoniste de Journal intime,
Nanni Moretti en personne, déambulant, vêtu d’un pantalon et d’une chemise à
manches longues, parmi les serviettes et les corps allongés sur le sable. Le
regard au loin, vers le large, pensif mais l’allure décidée. Un bateau
l’emporte ailleurs…
Début septembre, plus vraiment question de voyage mais
laissez- moi partager avec vous ma plus belle expérience de lecture estivale.
Avec La Septième Fonction du langage,
Laurent Binet m’a entrainée dans une fiction
renversante dont le point de départ est le décès « accidentel » de
Roland Barthes. Il va convoquer à son chevet toutes les grandes figures de
l’intelligentsia des années 80 (nous sommes à la veille des élections de
81). Sollers, Kristeva, BHL, Lacan, Foucault, Derrida. Tous y passent ou
presque, traités avec beaucoup d’humour par l’auteur…
Et puis, flanqué d’un improbable duo d’inspecteurs, il part à la quête de cette mystérieuse fonction du langage, pour laquelle on tue, un
peu, beaucoup, passionnément, de Paris à Naples… Cela rappelle Le Nom
de la rose. D’ailleurs, le regretté Umberto Eco est de la partie. Car la sémiologie,
c’était son truc à Umberto !
Dans le roman, on s’adonne aussi à des séances de joutes
oratoires très, très risquées, orchestrées dans l’ombre. J’ai bien envie de
vous mettre sur la voie… Mais comme dans le dernier livre de Laurent Binet, Rien ne se passe comme prévu. Alors, je
vous laisse la surprise de ce roman
foncièrement jubilatoire. Prix Interallié 2015, il reparait cet automne aux
éditions du Livre de Poche. Il vous en
coutera seulement 8 euros. Manière de faire des économies mais surtout de
souffler un peu entre tous les chantiers qui nous attendent. Et la liste est
longue !