dimanche 4 septembre 2016

Quoi de neuf ?

En ce mois d’août, comme chaque année, la Part-Dieu a pris ses quartiers. A l’image de ses habitants. Enfin presque…  Car au cœur de l’été 2016, cette partie de la ville fourmillait encore de projets. A commencer par le chantier de mise en double site propre du C3. Cela ne parlera pas vraiment aux personnes étrangères à l’agglomération- et je m’en excuse par avance auprès d’elles- mais pour éclairer un peu l’enjeu, il me suffira de préciser que cette ligne de trolley  transporte en moyenne 55 000 passagers quotidiennement. Desservant Vaulx en Velin jusqu’à la gare St Paul, elle est la plus fréquentée  de Lyon. Voilà pour les présentations.

Concrètement, la transformation va s’échelonner sur plusieurs années,  et à ce stade de l’opération, il faut bien le reconnaitre, le cours Lafayette ressemble plus à un champ de bataille qu’à une voie apaisée.  C’est d’ailleurs assez curieux de voir la vie souterraine d’une de nos plus grandes artères ainsi révélée aux passants. On ne l’imaginait pas si foisonnante… Outre les différents réseaux mis à nu, des tranchées émergent  le lit du Rhône, ses sables gris et ses galets polis. Nous sommes à deux pas du quartier des Brotteaux , ancienne plaine alluviale du fleuve. Certes, loin de la plage idéale, c’est un peu une poésie du chaos qui se dessine le long des trottoirs, de linéaires de tuyaux en strates de bitume exhumés.  Ici et là, des égouts à ciel ouvert, des panneaux et des barricades partout sur la chaussée. Comme des « checkpoint » pour protéger de la circulation les hommes qui travaillent dans la poussière et la chaleur tardive de l’été, les gravats, le bruit des machines. Ailleurs, des pansements provisoires posés sur l’asphalte, en attendant la prochaine intervention, la prochaine trouée.

Alors les riverains, dont je fais partie, ont vraiment hâte de passer à l’étape suivante, et au programme de reconstruction. Le temps viendra – il faut savoir être patient- d’une avenue fraiche et pimpante, repeuplée d’arbres aux essences choisies et adaptées à la vie citadine, dépolluant l’air de leur feuillage alvéolé. Divine chlorophylle ! Du trolleybus, on regardera les frondaisons s’épanouir, fleurir au printemps et puis se faner doucement sous les feux d’octobre. Les arbres symbolisent avec une telle majesté le cycle de la vie.

Mais ici, plus de platanes – trop fragiles, hormis les « rescapés » de la rue Juliette Récamier,  et point de marronniers ! On nous en abreuve suffisamment  en ces temps de rentrée…  A peine rangés les maillots, c’est déjà le retour de la grande lessive.  Celle des politiques se préparant à l’échéance électorale à venir  et celle des médias postés aux avant-gardes. On l’a encore constaté avec cette querelle de chiffonniers autour du burkini. Tout ça pour ça… A cet objet de polémique,  je préfère une autre image de plage singulière, celle du protagoniste de Journal intime, Nanni Moretti en personne, déambulant, vêtu d’un pantalon et d’une chemise à manches longues, parmi les serviettes et les corps allongés sur le sable. Le regard au loin, vers le large, pensif mais l’allure décidée. Un bateau l’emporte ailleurs…

Début septembre, plus vraiment question de voyage mais laissez- moi partager avec vous ma plus belle expérience de lecture estivale. Avec La Septième Fonction du langage, Laurent Binet  m’a entrainée dans une fiction renversante dont le point de départ est le décès « accidentel » de Roland Barthes. Il va convoquer à son chevet toutes les grandes figures de l’intelligentsia des années 80 (nous sommes à la veille des élections de 81). Sollers, Kristeva, BHL, Lacan, Foucault, Derrida. Tous y passent ou presque, traités avec beaucoup d’humour  par l’auteur…  Et puis, flanqué d’un improbable duo d’inspecteurs, il  part à la quête de cette mystérieuse  fonction du langage, pour laquelle on tue, un peu, beaucoup, passionnément, de Paris à Naples… Cela rappelle Le Nom de la rose. D’ailleurs, le regretté  Umberto Eco est de la partie. Car la sémiologie, c’était son truc à Umberto !

Dans le roman, on s’adonne aussi à des séances de joutes oratoires très, très risquées, orchestrées dans l’ombre. J’ai bien envie de vous mettre sur la voie… Mais comme dans le dernier livre de Laurent Binet, Rien ne se passe comme prévu. Alors, je vous laisse la surprise de ce roman foncièrement jubilatoire. Prix Interallié 2015, il reparait cet automne aux éditions du Livre de Poche.  Il vous en coutera seulement 8 euros. Manière de faire des économies mais surtout de souffler un peu entre tous les chantiers qui nous attendent. Et la liste est longue !