J’ai terminé mon article précédent avec la Balade du mois
de juin de Chiara, sur un air de guitare folk, et d’une voix légère.
La vie étant faite de diverses rencontres, me voilà
aujourd’hui au cœur d’une histoire bien différente. Drôle de voyage que ce Journal
de bord d’une élue en pays FN. Ce pays, c’est le nôtre, en 2015, même si
l’on peine à s’y reconnaître… Voyage prophétique ? S’il faut entendre par
« pays » son sens de « bout de terre », en l’occurrence
Fréjus, plutôt que la France toute entière, le propos d’Elsa Di Méo est bien de nous alerter au
plan national.
Le territoire d’influence du FN s’étend dangereusement et
nous n’en mesurons pas encore toutes les conséquences depuis le 21 avril 2002 …
En nous immergeant de l’intérieur, en profondeur, dans l’exercice du pouvoir
frontiste, l’auteur et élue- Elsa Di Méo est conseillère régionale en PACA – en
fait la démonstration.
Ce livre, fruit d’un travail à 4 mains avec un journaliste
de Libération, construit comme un journal, détaille la mise en oeuvre des idées
du Front National de Marine Le Pen dans une commune de plus de 50 000 habitants.
Depuis la victoire de David Rachline à Fréjus, Elsa Di Méo
se bat, certes à l’extérieur du conseil municipal, mais elle se bat avec
courage et détermination au sein d’un collectif citoyen, baptisé « forum
républicain ». Avec d’autres, elle est entrée en résistance…
Quelques exemples de la politique municipale menée à Fréjus,
et relevés dans le livre : suppression des subventions aux centres sociaux,
les condamnant ainsi à une fermeture programmée. Atteintes à la laïcité.
Retrait du drapeau européen du fronton de l’Hôtel de Ville.
Mais le plus inquiétant, c’est encore les mots dits, la
libération d’une « parole raciste ». Comme si, de latente,
refoulée, celle-ci devenait légitime avec l’arrivée de David Rachline à la
mairie. Entendu ça et là, au supermarché, chez le buraliste, ou dans la rue, et
rapporté par l’auteur : « Qu’est-ce qu’il veut l’arabe ? Il n’a
qu’à rentrer chez lui. », « C’est bien,… le FN va nous nettoyer de
ces arabes. », « On est chez nous maintenant. Rachline va les mettre
dehors. »
Quelques militants associatifs ont bien essayé de faire
circuler des affiches rappelant que le racisme n’est pas une opinion comme une
autre mais bel et bien un délit. Aucun des commerçants sollicités n’a osé
accepter de les diffuser.
C’est dire le climat local…
Et la valse des mesures a pu continuer : baisse des dotations aux
écoles et à la médiathèque, renforcement de la police municipale, armée
jusqu’aux dents, et relogée dans les anciens locaux d’un centre social. Tiens,
tiens…
Les activités culturelles et éducatives proposées par la mairie
aux fréjusiens se limitent désormais à de l’animation dite « populaire »,
dont le clou est une discothèque « à ciel ouvert » installée dans les
arènes de la ville, avec projection de peinture fluo sur les danseurs. C’est
fou ce qu’au FN, on aime le peinturlurage… Déjà à Hayange, l’épisode de la
sculpture-fontaine badigeonnée de bleu, assortie aux jardinières municipales,
avait à juste titre soulevé un flot d’indignation.
Si la politique à Fréjus s’est longtemps appuyée sur un
réseau de connivences et de pratiques mises en place par le maire précédent (attributions
d’appels d’offres et délégation de plage entachées de corruption, et condamnées
pour prise illégale d’intérêts), le candidat de la liste bleu Marine, prétendument
anti-système, n’a jamais cru bon de les dénoncer. Sans doute pour ne pas faire
de vagues compromettant sa campagne mais aussi parce qu’il s’accommode très
bien du système, au bout du compte.
Il avait bâti sa campagne municipale sur le thème du déclin
de la France, relayant les idées portées au niveau national par Marine Le Pen,
et fort d’une communication fournie par son parti. Quid d’une vision des
véritables enjeux pour Fréjus et de propositions constructives pour ses
habitants ? A part la théorie simpliste du bouc émissaire…
Elsa Di Méo dénonce aussi une certaine complaisance des
médias qui, a force de vouloir faire le buzz, ont largement contribué à la mise
en lumière du candidat FN.
Bref, tout semblait déjà écrit…
Pourtant, et c’est ainsi que s’achève le témoignage de
l’élue socialiste, c’est le moment ou jamais de rassembler nos forces,
d’assumer clairement nos idées, même si elles ne semblent pas en phase avec
celles de nos concitoyens. Le pays se « droitise » ? On observe
un phénomène de repli sur soi ? Et alors ? Il faudrait aller dans le
sens du vent, même s’il est mauvais, même s’il est contraire à nos
valeurs ? A agir ainsi, nous aurons, et la guerre, et le déshonneur… Et la
République sera la grande perdante dans cette affaire.
Le mot de la fin à Elsa Di Méo :
Reparlons d’Etat, de puissance publique, du modèle de
société que nous voulons défendre. Allons sur ces terrains qui sont les nôtres
et nous réussirons à contrer le FN. « La génération 21 avril »
porte une responsabilité. Beaucoup d’entre nous se sont engagés au Parti
socialiste après le choc de la qualification de Jean-Marie Le Pen au second
tour de la présidentielle. Allons-nous laisser se renouveler ce scénario avec
sa fille en 2017 ? Ou allons-nous mener la bataille culturelle et
politique ?