Cette nuit, j’ai fait un rêve ou plutôt un cauchemar… Très
occupée ces temps-ci par la préparation des premières rencontres de la vie
associative et citoyenne, je me suis fait un mauvais film -le cerveau étant un
producteur infatigable- un film de genre, classé film noir. Dans mon histoire
donc, la vie associative telle que je la connais, fourmillante d’initiatives et
portée par des « héros du quotidien », était devenue un désert
aride. Ses acteurs avaient soudainement disparu du paysage environnant. Rayés
de la carte comme d’un coup de baguette malfaisante. Nouvel avatar du
réchauffement climatique ?
J’avais beau me tourner d’un côté, puis de l’autre, frapper
aux portes et aux fenêtres… Plus rien, ni personne, partis sans laisser de
traces, ni d’adresses. J’étais sidérée, me démenant avec cette réalité
incompréhensible.
C’était un peu comme dans le film de Capra, La vie est
belle, quand James Stewart revient en projection dans sa ville natale. Le
personnage erre dans les rues, hagard, se souvenant de la boutique de ce cher Monsieur
Gower, l’apothicaire… Mais plus rien n’est comme avant dans la charmante petite
ville de Bedford Falls … La cupidité y règne désormais en maître, divisant les
individus, sous la botte de M. Potter.
Retour à mon rêve. La rue Duguesclin, d’habitude si
florissante, des collégiens d’ADOS aux petits de Coup de pouce relais à leur
table de jeux. Tous envolés.
Portes closes à la Maison pour tous et au Centre social.
Les habitants de la Maison de l’Europe, perdus dans les
tréfonds de l’histoire.
De l’autre côté des voies de la Part-Dieu, la même
hébétude : le Château sans souci, monument de notre patrimoine associatif…
abandonné. Quant à l’Oasis du même nom, rien à en espérer, à sec… Alla Casa
degli Italiani, più nessuno… Je courais et le tram m’emportait plus loin, plus
haut, vers le quartier de Montchat, là ou bat encore un peu le cœur d’Elsa
Triolet. Le constat fût le même : rien, ni personne. Disparus. « Un
seul être vous manque et tout est dépeuplé » dit le poète.
Sur le marché, les gens se croisaient, indifférents les uns
aux autres, devenant même soupçonneux quand je les interrogeais sur ce qui
s’était passé…
Qu’allait- il advenir maintenant ? Quid des fêtes de
quartier alors que les beaux jours étaient enfin de retour. Tout L’ Monde
dehors, les Guill’en Fêtes, aux oubliettes ? Quel mauvais génie, ennemi du
« vivre ensemble » avait ainsi pu détruire ce que des hommes avaient
patiemment construit, un mode de vie où la solidarité s’organisait, au-delà du
simple cercle familial, où chacun donnait de son savoir, de son temps, et
recevait en contrepartie. Pas de valeurs marchandes dans ces transactions mais
de l’empathie, difficile à mesurer mais riche de sens.
Il me revint qu’à Lyon les Canuts étaient à l’origine du
mutualisme et du modèle coopératif. Les sources de la vie associative…
Faudrait-il aller jusqu’à la Croix-Rousse, au pied du mûr et
de la fresque, pour retrouver cet esprit. Conjurer à l’aide d’une prière laïque
le mauvais sort et calmer la tempête qui avait tout balayé. Un appel à Radio
Canuts était peut-être plus adéquat…
Au moment où je franchissais la porte du studio
d’enregistrement, le réveil sonnât, mettant fin à ce rêve absurde.
Absurde ? Pourtant, en toute conscience, certains
imaginent que les associations sont inutiles, trop coûteuses, ou qu’il faudrait
faire le tri entre elles. « Séparer le bon grain de l’ivraie ».
Opposer au lieu d’unir les forces vives.
Un coup d’œil autour de moi et à l’agenda du jour, mardi 28
avril 2015. Je dois passer au k-fé social pour assister à la remise de chèque
d’un des sponsors de la future épicerie sociale et solidaire. Et ce soir, la
mairie du 3ème accueillera bien les rencontres de la vie associative
et citoyenne. Encore quelques mises en place à faire.
Mais me voilà rassurée… La journée peut vraiment commencer !