dimanche 23 octobre 2016

Rencontre avec une femme de goûts. ..

Jeudi 20 octobre 2016. Il fait beau à Lyon. Un franc soleil baigne les rues de la Presqu’île et rosit les façades des immeubles haussmanniens, le long du Rhône.

C’est le début des vacances scolaires. Pas de pause au programme des prochains jours même si le rythme de travail faiblit doucement.  Pourtant, je presse l’allure, et ce n’est pas pour me rendre à une réunion à l’Hôtel de Ville, mais à un rendez-vous un peu particulier…  Car aujourd’hui, voyez-vous,  j’ai rendez-vous avec Mademoiselle Nothomb. Juliette de son prénom.  Nous arrivons presque ensemble, à l’heure dite, et nous nous installons après avoir commandé un café. Enfin, ce sera plutôt un thé pour Juliette. L’endroit est confortable, cosy, parfait pour une conversation dont le sujet principal sera : mon invitée.

Crédit Photo France Dubois
Elle a posé son sac, un grand sac à dos en forme de mappemonde. Je pense bien sûr aux nombreux pays où elle a vécu pendant son enfance.  Une fille de diplomate, forcément.  Je trouve amusant qu’elle se soit fixée, ici à Lyon, il y a 17 ans, en choisissant sur la carte une grande ville proche de tout, laissant à Bruxelles ses activités professionnelles d’alors. Tout en travaillant à distance pour un journal belge, à la rubrique cuisine, la grande passion de Juliette. Elle me raconte comment, enfant, elle regardait faire sa mère, reproduisant ses gestes à mesure. Plus tard, pendant ses années d’étudiante à Bruxelles, elle régalera ses amis qui lui fourniront parfois la matière première nourricière. ..

Pour Juliette, la cuisine n’est pas le fruit du hasard. Il y a la base, des codes à connaître, la nécessité de comprendre le langage des mets avant de mélanger  leurs saveurs. Un peu comme en littérature. Un style, une signature, c’est une savante  composition. Du  travail autant que de l’inspiration. Et la « cuisine fusion », cet art de brasser les cultures dans l’assiette, ne se pratique pas d’un seul coup de baguette magique !  Elle a déjà un joli parcours à son actif  Juliette Nothomb, de La cuisine d’Amélie, 80 recettes de derrière les  fagots, son premier ouvrage,  à Carrément biscuits (2012), où elle  livre le secret de sa fameuse pâte à spéculos. Elle m’a avoué qu’en Belgique il en existait  presque autant de recettes que de familles. Une affaire de vergeoise, de farine, et un certain dosage d’épices ! « Une petite image » savoureuse qui pourrait bien vous ensorceler si vous n’y prenez garde…

A Lyon, Juliette aime se balader, le plus souvent à vélo. C’est plus pratique pour se déplacer, et tellement agréable en longeant les quais. « Deux fleuves dans une même ville, quelle merveille ! (………) A Bruxelles, il n’y a pas de promenade au bord de l’eau. Des parcs, des jardins oui, et même une forêt dans la ville,  mais pas de fleuve » ajoute- t-elle. Elle adore faire son marché, à la recherche de bons produits. Ses endroits préférés : le quai Saint Antoine, le marché de Monplaisir et celui du quai Augagneur,  le jeudi soir, pour ses petits producteurs et ses food trucks. Quand sa mère passe un week-end  à Lyon, elles y viennent ensemble choisir leur dîner. Un délicat voyage du palais…

Au moment où je lui demande : « Et pourquoi ne pas ouvrir votre restaurant à vous ? » Juliette s’exclame : « Oh, je préfère ne pas essayer, j’aurais trop peur du gaspillage… J’ai horreur de jeter, même une salade fanée». En fait, c’est une vraie championne du « recycling ». Un domaine dans lequel elle a été précurseur, une spécialiste de la cuisine « fonds de frigo » dès les années 80. « Par éducation, précise- t-elle et aussi  par respect, après avoir vu les gens souffrir de la faim au Bangladesh,  quand mon père y était ambassadeur. » D’ailleurs, son dernier livre, paru en 2016, s’intitule Pénurie dans la galaxie, un texte qui, à sa manière, évoque le réchauffement climatique. Car Juliette est aussi  auteure de romans pour la jeunesse, et plus si affinités. Elle est également chroniqueuse littéraire pour l’Express Belgique. L’écriture, elle la pratique depuis si longtemps. Toute petite, elle entretenait une correspondance régulière avec ses grands-parents. La distance, paradoxalement, cela crée des liens, dit-elle. Aujourd’hui, ses critiques portent uniquement sur les livres qui lui ont plu. Un choix délibéré, pour positiver, et aussi par détestation  du conflit. Singulier pour une native du scorpion…

D’Amélie nous parlons peu finalement. L’une vit à Paris, l’autre  à Lyon. Elles se voient toujours avec plaisir pour partager un repas, répondre ensemble à une interview, aller à une expo, la dernière en date, celle d’Edward Hopper. Une tendre complicité les unit. Elles ne se ressemblent guère physiquement. Seules leurs voix se confondent. C’est parfois troublant d’entendre Juliette évoquer Amélie avec cette intonation bien reconnaissable, et une pointe d’humour.  Comme quand elle s’étonne de la capacité de sa cadette à lui indiquer en toute circonstance la bouche de métro la plus proche et la direction à prendre n’importe où dans la capitale : « C’est comme si Amélie avait un plan du métro parisien directement relié au cerveau ! ».

Voilà dans les grandes lignes la teneur de notre entretien. Nous avons à peine parlé politique, de la petite cuisine électorale, des « Nouvelles des popotes », de l’esprit d’appareil... Enfin si, de la prochaine échéance aux Etats-Unis, et de notre souhait commun de voir Hillary Clinton succéder à Barack Obama. Pour le reste, on verra bien.

Au fait, je ne vous ai pas dit comment nous nous étions rencontrées Juliette et moi ? Allez, je vous raconte… C’était au printemps 2008, lors de la campagne des municipales. Un soir de porte-à-porte. Avec un ou deux colistiers,  je finissais par une distribution de tracts dans mon propre immeuble. Arrivés au dernier étage, au moment de sonner, nous avisons la plaque avec gravé le célèbre patronyme de l’écrivain belge. Curieux, nous attendons derrière la porte avant qu’elle ne s’ouvre sur le visage d’une jeune femme brune, silhouette mince à l’élégance sobre. A la question qui nous brûlait les lèvres : « Avez-vous un lien de parenté avec Amélie Nothomb ? », elle répondit tout naturellement : « Oui, c’est ma sœur ». Les présentations étaient faites.


Depuis, j’ai quitté l’immeuble de la rue de l’Abondance. Juliette aussi. Elle habite désormais la Guillotière, dans le 7ème arrondissement. Mais peu importe, nous sommes toutes deux restées lyonnaises et heureuses de l’être. Avec un peu de chance, vous la croiserez sur un marché un jour ou l’autre ou lors d’une de ses séances de dédicaces. Mais ne cherchez pas le chapeau. Elle n’en porte pas… 

Pour le reste, toute son actualité est sur sa page Facebook. 
https://www.facebook.com/nothomb.juliette/

mercredi 5 octobre 2016

Deneuve, of course !

Rare. C’est le premier qualificatif qui me vient à l’esprit en pensant à elle. Une personne qui traverse tous les âges de la vie, sur scène et dans la réalité, avec une telle présence, c’est rare. Tour à tour « Belle de jour », « Sirène du Mississipi », « Reine blanche », « Tristana » ou « Peau d’âne », elle a merveilleusement illuminé les films de Demy, Truffaut,  Bunuel, De Oliveira, Polanski, Ferreri, Téchiné et de bien d’autres encore… Elle ose tout et tout semble lui réussir. Même quand les éléments lui sont en apparence contraires comme dans « Elle s’en va ». Avec Catherine Deneuve, il n’y a pas de petit ou de grand film. Ni de rôle à contre-emploi ! Elle entrecroise avec bonheur cinéma populaire et cinéma d’auteur. Les jeunes réalisateurs l’aiment aussi pour ça. Icône intemporelle et en même temps proche, à l’écoute. Elle inspire confiance.

Côté cœur, et sans faire dans la « psychologie bateau », ou sombrer dans le mélo, le scénario est plus compliqué. La disparition brutale de sa sœur, Françoise Dorléac, une faille originelle. L’héroïne en quête d’absolu de La peau douce aura à jamais marqué l’existence et l’imaginaire de sa cadette. Une tribu, composée de quatre filles, des parents comédiens, artistes de théâtre. Les planches, déjà …

Chez Catherine, les histoires d’amour, de Vadim rencontré à 17 ans, à Mastroianni, dans l’éblouissement de la maturité, signent une liberté sentimentale assumée. Pas si simple à vivre à l’époque. Sans être tapageuse, une vie juste loin des conventions et de l’image de jeune fille sage des « Parapluies de Cherbourg ». Plus tard, représenter Marianne entrera parfaitement en résonance avec les engagements citoyens de Catherine Deneuve, en faveur notamment de l’abolition de la peine de mort et des droits des femmes.

En revisitant son parcours et sa filmographie, m’est apparue d’elle l’image d’une femme farouchement indépendante. Avec, sans être paradoxal, un attachement fort à ceux qu’elle aime, sa famille, ses amis, et une culture du désir, son mot préféré dans la langue française. Deneuve, une aventurière, à sa manière, mine de rien… D’ailleurs, j’adore les films,  où elle laisse libre cours à son naturel hardi et bavard. Sa diction peut alors devenir une arme redoutable, avec un tel débit de mots à la minute, qu’il laisse ses partenaires médusés. Un ressort comique potentiel, car oui Deneuve peut être drôle, et même mordante. La preuve avec ces « brèves de mode », réalisées par Loïc Prigent, et auxquelles elle prête sa voix, chaque soir, sur Arte. Elle aurait ainsi pu faire sourire son grand complice Yves Saint Laurent. 

Alors, Catherine Deneuve – qui fait la une de Télérama cette semaine -, sera sans doute heureuse et fière de recevoir le prix Lumière, pas seulement pour le prestige et la reconnaissance car elle en a eu d’autres, de prix, dans sa carrière. Mais pour donner à voir, encore et toujours, le spectacle de la vie sur grand écran, au travers de la rediffusion de nombre de ses films, en version restaurée. Et éclairée ! Car c’est là l’image de marque du festival Lumière et de l’Institut du même nom. Une belle œuvre à redécouvrir dans les salles partenaires de l’évènement, du 8 au 16 octobre.


Pour finir, un enchantement dont je ne me lasse décidément pas, so glamour, la recette du gâteau d’amour…………………………………………