On en a souvent vu dans les vieux
albums de famille, de ces photos d’enfants posant sagement assis sur les genoux
de leurs parents, yeux écarquillés face à l’objectif, ou plus curieusement allongés
sur des fourrures ou autres peaux de bêtes. La publicité, jamais en reste, a su
faire son miel de ces bébés cadum d’un jour…
Question d’époque et de
regard sur un âge qui au-delà des clichés semble baigner dans l’angélisme et la
béatitude. Le bonheur d’être au monde.
Pour autant, comme nous l’a bien
rappelé Dolto, l’enfant est une personne. Une personne à part entière, sans le
pouvoir de la parole certes, mais avec des droits et une dignité à respecter.
En prenant mes fonctions d’élue
à la petite enfance, j’avoue ne pas avoir tout de suite approfondi cette
dimension là. Pétrie des poèmes de Victor Hugo louant les rondes enfantines et
leurs verts paradis, ou scandant les misères de Cosette et des siens, j’aurais pourtant
dû me lancer derechef dans la lecture de la convention des droits de l’enfant,
signée à New York le 20 novembre 1989. Mon premier mouvement a été plus
prosaïquement dirigé vers les commissions d’attribution de places en crèche,
dont la réputation d’instance hautement chronophage, était parvenue jusqu’à mes
oreilles. Pour tout vous dire, je voyais déjà planer au-dessus de ma tête l’image
terrifiante de l’autre Cronos, alias Saturne, la divinité romaine dévorant ses
enfants. En l’occurrence, l’enfant cela risquait d’être moi …
Un an après, force est de
constater que j’ai survécu … Tout en ayant beaucoup appris. Un premier bilan pour souligner que
non, décidément, la vie d’élu(e) n’est pas un long fleuve tranquille, mais une
remise en cause régulière des acquis et des compétences. Alors voilà, je
partage ici ma récente expérience.
A la Ville de Lyon, si l’on
règle les questions pratiques liées à la vie dans les crèches municipales,
c’est en gardant toujours à l’esprit le projet éducatif et social de la ville :
la mixité, la lutte contre les stéréotypes, bref les premiers pas dans
l’apprentissage du vivre ensemble.
Même volonté à la mairie
d’arrondissement, porte d’entrée pour des parents confrontés à une situation potentiellement
anxiogène : confier leur enfant, ce tout-petit « prunelle de leurs yeux » à des
personnes inconnues ...
Il s’agit alors de les
conseiller, de les rassurer dans leur inquiétude de parent, toute légitime au
moment d’envisager une première séparation. La micro crèche ou la crèche
familiale ? L’accueil collectif, individuel ou mixte ? Que
choisir ? Vers qui aller ? Une mission délicate et essentielle menée
à bien par les agents du service référent, notre fameux point accueil et
information petite enfance, qui répond très justement à son appellation de
« deuxième génération » !
Pour mieux comprendre comment
se décline cette politique au quotidien, il faut se familiariser avec le terrain, visiter les
crèches, aussi appelées établissements d’accueil du jeune enfant, des lieux que
j’ai moi-même découverts en néophyte. J’ai commencé par la plus grande de
toutes, située rue André Philip, la crèche Boileau. Tant qu’à faire, autant
s’immerger totalement ! Un grand bain iodé, d’autant plus que les différentes
sections répondent aux jolis noms d’Ouessant, Belle Ile, les Mouettes et les
Dauphins et sont doucement éclairées par Le Phare des parents, le
blog conçu par et pour les familles.
Quatre vingt dix berceaux,
deux directrices, une armée de puéricultrices, des dortoirs, coins jeux, bibliothèque,
biberonneries, au cœur d’un environnement agréable à vivre pour les enfants
comme pour les professionnels.
Avec une cuisine préparée sur
place, je pouvais presque sentir flotter le parfum de la purée maison lors de
cette première visite.
Ou encore l’organisation en
mode fratrie, tous âges confondus, pour développer des liens solidaires entre
les enfants. Le maître mot de ces pédagogies restant la confiance, confiance
réciproque sans laquelle il n’y a pas d’apprentissage durable et heureux.
Dans mon parcours initiatique,
j’ai souvent rencontré mes collègues en réunions de travail. Rien que des
femmes, car dans ce domaine peu d’hommes aux manettes. On peut le
regretter. On peut aussi essayer de changer la perception d’une délégation connotée
« layette et couches-culottes ». Vision restreinte car la petite enfance
est une compétence très en phase avec les enjeux actuels comme l’insertion
socio-économique des familles, la place des femmes dans le monde du travail et l’égalité
des chances, notamment dans les quartiers classés en géographie prioritaire. Tout
commence au berceau ou presque !
Et puis, parmi les acteurs de
la petite enfance, j’ai retrouvé quelques associations avec lesquelles je
travaillais déjà mais cette fois-ci sous un jour nouveau. Une façon de faire le
lien entre mes différentes délégations dont la vie associative reste le fil
rouge. Comme un cordon ombilical …
C’est aujourd’hui avec
plaisir que je vois arriver les familles avec poussettes lors des soirées
d’accueil des nouveaux arrivants en mairie. Certes, tout n’est pas parfait. On
peut encore mieux faire en terme de création de berceaux ou de mise en relation
des parents avec les assistantes maternelles de leur quartier. Des projets sont
en cours … Bientôt 100 000 habitants dans le 3ème, alors cela en fait des
bébés nés ou à naître. Une raison supplémentaire de rester optimiste quant à la
dynamique de l’arrondissement et de voir l’avenir en rose … En toute
objectivité !
Ce billet est aussi
l’occasion de remercier Thierry Philip de m’avoir confié cette responsabilité,
lui qui connaît bien les rouages de la petite enfance.
« Il reste toujours
quelque chose de l’enfance, toujours… » disait Marguerite Duras.
A nous de lui laisser de la
place pour s’épanouir, dans nos cœurs, et dans nos villes…