mercredi 27 août 2014

Au revoir Aurélie !


Le gouvernement Valls II est donc entré en fonction.
 
Parmi les sortants, il se trouve une femme que j’apprécie pour ses qualités humaines, ses convictions et son parcours.
 
Aurélie Filipetti n’est pas une énarque. Après une prépa littéraire, elle intégre Normale Sup. Agrégée de lettres classiques, elle commencera par enseigner.
 
Cette fille de mineur, petite fille d’un immigré antifasciste, résistant, déporté et mort en camp de concentration connaît les difficultés de la vie. De sa Lorraine natale et de son histoire familiale, elle a gardé un sens des valeurs que personne ne peut lui reprocher. Ses livres et notamment son premier roman, « Les derniers jours de la classe ouvrière », paru en 2003, récit de ses origines, mais surtout hommage à la mémoire ouvrière, l’ont fait connaître du public.
 
En même temps, la politique l’a rattrapée. D’abord chez les Verts et ensuite au Parti Socialiste, très présente dans les dernières campagnes présidentielles (son père, lui, avait été maire communiste d’une petite commune de Moselle et conseiller général).
 
La suite, tout le monde la connaît : Ministre de la Culture et de la Communication, le « fauteuil d’André Malraux » pour une jeune femme que rien ne prédestinait à cette haute fonction. Elle dit tout devoir à l’école. Pour preuve cet extrait d’une interview au JDD en juillet 2012 : " Il ne m’a pas traversé l’esprit qu’on pouvait réussir grâce à ses études. Je me rendais à l’école pour apprendre. Si je pouvais encore y aller aujourd’hui, j’irais. "
 
On lui a reproché sa dureté ou plutôt son manque de souplesse dans le conflit des intermittents. Je préfère conserver d’elle l’image d’une ministre engagée, qui a du faire face à une baisse de ses crédits, - pour rappel, à Lyon la culture représente 20% du budget de la Ville -, et bien sûr aux derniers soubresauts de la sidérurgie en Lorraine… Même si c’était  " Chronique d’une mort annoncée ", il aura fallu du courage à cette députée de la Moselle pour y faire face.
 
Je garde aussi le souvenir précieux d’une rencontre informelle lors de la séance- dédicace d’un de ses livres,   "Un homme dans la poche". C’était en 2006 à Metz.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, " la poche ", n’est pas seulement une partie de vêtement ou un synonyme de " sac ". " La poche " désigne aussi l’acier en fusion, matière particulièrement dangereuse, et à l’origine d’accidents mortels… Le dernier en date s’est produit avec des ouvriers chinois. La Chine étant aujourd’hui le numéro 1 mondial de cette industrie et Arcelor Mittal  le numéro 1 des géants de la sidérurgie.
 
La vie continue, et je suis certaine qu’Aurélie Filipetti saura poursuivre son chemin.
 
Bonne route à celles qui sont confirmées dans leurs fonctions comme Ségolène Royal, Christiane Taubira et aux promues, Fleur Pellerin et bien sûr Najat  qui hérite du portefeuille de l’Education. 

lundi 25 août 2014

Entre deux mers et entre paix et guerre, histoires de terrien(ne)s en quête de phares…

Le temps des vacances, ou de la traditionnelle pause estivale, est pour beaucoup un temps suspendu, entre une année de travail écoulée et la rentrée. Comme pour l’année civile, cette période symbolise le passage à une nouvelle année.  

Cet été, j’ai eu la chance de prendre de vraies vacances en Bretagne et sur les îles anglo-normandes, de l’Atlantique à la Manche, entre deux mers. 

Port Lay
A Groix tout d’abord, où pendant deux semaines, j’ai vécu comme  beaucoup d’insulaires, sans voiture et au rythme de la navette, appelée "courrier", qui relie l’île à Lorient. Et au gré de la marée, comme toujours en Bretagne… Un vrai plaisir que de se balader à vélo, sans les contraintes de la circulation citadine, ou en canot tout autour de l’île. Et la surprise de découvrir, au détour des rues du bourg, que l’immigration italienne y avait été assez importante dans les années 30. Bretagne, terre d’accueil ! En témoignent les façades de certaines maisons refaçonnées à l’italienne avec des couleurs vives. Un peu comme à Lyon…
 
Autre plaisir des vacances, la lecture… de vrais livres ! Tout au long de l’année, je lis comme je peux, surtout des articles, des publications, des blogs aussi… Prendre le temps de lire un  roman est presque  un luxe !  Et lire au dehors, souvent au soleil - car oui, il fait beau en Bretagne ! - c’est déjà un dépaysement. J’ai ainsi navigué de Bon petit soldat de Mazarine Pingeot, à  Roses à crédit  et Les  amants  d'Avignon  d'Elsa  Triolet,  en  passant  par Le cercle littéraire des amateurs de tourtes aux épluchures de patates de Guernesey  pour  aboutir  à  des retrouvailles avec un monument de la littérature: Victor Hugo.
Souvent représenté dans des films mettant en scène Les Misérables ou Notre Dame de Paris, il faut lire ou relire Hugo, des Contemplations, à son théâtre; la pièce de David Bobée, adaptation de Lucrèce Borgia, est un des grands spectacles de la saison, et je ne regrette pas de l’avoir vue fin juin à Grignan, sous une pluie d’orage mémorable et prophétique de l’été qui a suivi…

Hugo donc,  dont on connaît l’exil sous Napoléon III pour "délit d’opinion". A Guernesey, qui l’a finalement accueilli après une escale à Jersey, il a construit un univers non seulement d’expatrié, mais de créateur. Car Hugo, au-delà de l’homme de lettres, de l’ardent républicain, et du politique visionnaire dont l’héritage nous inspire encore, est un  artiste qui transforme toute matière. La preuve avec cette maison de l'exil dont il a entièrement conçu la décoration et avec quelle maestria ! Partout, et même à l’intérieur des portes de placard, s’inscrit la marque du génie hugolien…La  visite  de  cette maison est un émerveillement et une  rencontre  intime  avec le grand hommequi du haut de son "look out", pouvait par temps clair contempler les côtes de France.
C’est là qu’il avait installé sa chambre et son poste de travail. Un peu à la manière d’un gardien de phare…



Pour ma part, j’ai eu l’occasion d’y venir deux fois. Il y a une quinzaine d’années avec mes enfants lors d’un "séjour découverte du Cotentin et des plages du débarquement" au cours duquel nous avions fait la traversée jusqu’à St Peter Port et cette ancienne terre normande. Et en ce mois de juillet 2014, avec pour particularité cette fois-ci, d’avoir fait la visite guidée par ma propre fille ! Camille y travaille  pour  la saison.  L’hiver  dernier,  elle  a littéralement flashé sur une offre d’emploi à la


Maison de Victor Hugo à Guernesey (Hauteville House est gérée par les Musées de la Ville de Paris). Pas vraiment un hasard finalement…et pour moi un rendez-vous car je ne pouvais pas passer l’été sans revenir à Guernesey. C’est dans cette maison qu’Hugo a écrit Les travailleurs de la mer et c’est avec ce livre que s’est achevé mon cycle de lectures estivales.

Point commun entre ces livres et leurs auteurs : un certain idéal de résistance. Face à l’occupation allemande à Guernesey, des habitants de l’île organisent un cercle de lecture qu’ils poursuivront avec bonheur après la guerre. Elsa Triolet, figure de la résistance avec Louis Aragon, a connu l’occupation en zone sud. Elle racontera cette expérience dans son recueil de nouvelles Le premier accroc coûte 200 francs dont sont extraits Les amants d’Avignon. Livre qui lui a valu le prix Goncourt en 1946.

Et Victor Hugo, "l’élu du peuple", a résisté à l’Empire jusqu’à être exilé de France près de 20 longues années…
 
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Le monde d’aujourd’hui va mal et le ciel de cet été 2014 aura été cruel : guerre à Gaza, en Ukraine, en Irak, avec à la clef des victimes civiles, intolérables ; accidents d’avions à répétition et aussi un temps semé d’orages violents, reflet d’un climat perturbé au propre comme au figuré.

Pessimiste non, réaliste oui. Au-delà de la paix promise de la trêve estivale, comment oublier la terrible réalité de toutes ces guerres. Etre élu(e) de la République, c’est bien se poser la question de la justice, ici et ailleurs, et c’est le dire ou l'écrire,  modestement pour ma part. Oui, je partage assurément la vision d’Elisabeth Roudinesco quand elle dit que "le peuple le plus persécuté de l’histoire, après avoir créé un état sur sa terre promise, est à son tour devenu persécuteur (…)  C’est une véritable tragédie juive". (Propos extraits d’une interview intitulée L’antisémitisme matrice de tous les racismes publiée dans Télérama le 2 août 2014). Elisabeth Roudinesco, historienne et psychanalyste, juive d’origine roumaine, connait bien le sujet...Soyons clairs, pas de confusion entre, d’une part et je cite "la politique d’escalade israélienne", et l’antisémitisme d’autre part. "Même en Israël il existe une opposition à cette politique, bien qu’elle soit écrasée par une sorte de sursaut national, surtout en temps de guerre." précise encore Elisabeth Roudinesco. Le cinéaste israélien, Amos Gitai, a bien dû s’exiler en France, de 1983 à 1993, pour s’être ouvertement opposé à l’invasion du Liban en 1982.

Alors, en cette presque rentrée, je me plais à penser que les livres ne sont pas de simples refuges ou des moments d’évasion mais bien des points de repère, des phares comme dans le poème éponyme de Baudelaire. Ces mêmes livres qui de tous temps suscitent la haine des dictateurs. Un de mes professeurs de français avait pour habitude de terminer son cours par la fameuse phrase attribuée à Beaumarchais  : "Lisez, lisez, il en restera toujours quelque chose… "
 
Souhaitons aussi que la jeunesse puisse acquérir, non pas le savoir pour le savoir, mais pour apprendre à penser par elle-même. C’est là le secret d’une éducation réussie. Victor Hugo le disait déjà : "L’éducation de l’enfant a pour finalité la conquête de la liberté, ce qui suppose l’émancipation de ses trois maîtres : le père de famille, le prêtre, le maître d’école lui-même. " Citation à remettre dans le contexte du 19ème siècle, soit peu de femmes sur le devant de la scène, même si Hugo était un partisan du suffrage universel étendu aux femmes.

Cette émancipation, c’est aussi une des missions de l’éducation populaire et de ses acteurs avec lesquels je reprendrai mes habitudes de travail dès septembre. Et je sais qu’il reste beaucoup à faire pour réussir sur le terrain les conditions et la mise en œuvre du Bien Vivre Ensemble, par-delà les origines et les croyances respectives de chacun, dans le respect de la laïcité.

L’été prochain, j’irai peut-être à Ouessant et à Sein, îles au large du Finistère, là où la terre se finit. Pour voir le phare que les bretons, fins connaisseurs en matière de tempêtes, ont surnommé « l’Enfer des Enfers », Ar-Men… Iles, terres d’exil mais aussi la bonne mise à distance pour lire, écrire, bâtir et vivre autrement. Le temps d’une pause.

En attendant, je vais essayer de reprendre la lecture avec Il faut que je vous dise quelque chose de Louis Mermaz, ancien maire de Vienne, et compagnon de route de François Mitterrand.
Rendez-vous en septembre !
Phare de Pen Men - Ile de Groix