dimanche 31 juillet 2016

Retour à Groix


C’était il y a deux ans. Première escale. Découverte de l’insularité à la mode de Groix, au large de Lorient, ancien comptoir maritime de la Compagnie des Indes. Bleu de l’océan qui plonge dans le bleu du ciel. Ile(s) du Ponant, ile du sud Bretagne.
« Qui voit Groix, voit sa joie » disent les marins, dans leur grande sagesse. Alors forcément, l’envie d’y revenir, d’«amérir» en douceur, de se laisser porter au gré des éléments, à la faveur de l’été.
Oublier l’heure quand les jours semblent ne plus vouloir finir… De Pen Men à la Pointe des chats, huit kilomètres à parcourir à sa guise. 

« Dans cette époque un peu terrifiante, être breton, c’est rassurant. » confie le chanteur Christophe Miossec au magazine Bretons. Peut-être bien.
Fier d’être breton ? Sans doute. Et fiers d’être Bleus en ce dimanche 10 juillet, jour de la finale de l’Euro, certainement. L’équipe de France n’a pas soulevé le trophée de champion. Certes… Mais au fil de la compétition, elle a gagné une force, une légitimité, a montré du plaisir à jouer collectivement. A peine impressionnée face à l’Allemagne, éternelle favorite. Des valeurs qui au-delà du football rassemblent.

C’était rassurant dans cette drôle d’époque en mal de repères, en quête de héros. Grisant aussi. Comme une voile qui file en claquant sur un océan d’écume. Un pavillon tricolore fier d’arborer ses couleurs à la veille de la fête nationale, un peu ragaillardi par les évènements.
L’histoire s’est mal terminée, à Nice. Après Paris, scènes de terreur qui se répètent, allant crescendo dans l’horreur, l’âge des victimes. Sans oublier Saint -Etienne-du-Rouvray et la ville de Munich, frappée également au cœur de sa chair. Vague cruelle.

 « Etre breton, c’est rassurant » disait Miossec ? Et être ilien ? A l’abri des vents contraires, à bon port. Insulaire et solidaire. On se connait, on se reconnait comme avec ce couple d’amoureux croisé il y a deux ans.
Ils n’ont pas changé, à peine quelques rides aux coins des yeux pour lui, et de nouvelles lunettes pour elle. Des inséparables qui reviennent inlassablement sur le lieu de leur rencontre. 



Croulant sous les rangées de fleur, de simples penty s’y enivrent de couleurs et de parfums.  Bercés par la lumière changeante, hortensias, fuchsias, agapanthes rivalisent d’abondance. Même les micro-implantations florales le long des murets des maisons - à défaut de trottoirs citadins à orner- se font plus voluptueuses. Alors oui, tant de beauté, c’est rassurant dans ce monde un peu fou.
A l’image de cette Marie et les naufragés, venue s’échouer aux  Grands sables au printemps dernier. Une fable ciné-matographique, un conte sur la tempête qui règne dans le cœur des uns et l’esprit des autres, et pour tous l’apaise-ment retrouvé sur ce bout de terre, ce « caillou » comme le sur-nomment les Groisillons. Parfait pour mieux repartir dans la vie. Aguerris.

Des personnages qui nous aident à grandir. On en a toujours besoin, à tout âge. A condition, comme le souligne Boris Cyrulnik dans son dernier essai, Ivres paradis, bonheurs héroïques, de les choisir du bon côté. Des héros positifs, rayonnants malgré leurs imperfections. La littérature et l’histoire en proposent de merveilleux exemples.

Prenez ceux d’Erick Orsenna, d’ «indécrottables» idéalistes. L’auteur s’en amuse tout en sachant que cette attitude est la seule qui vaille. Sans idéal, sans espoir d’une vie meilleure, point de salut… C’est d’ailleurs un grand amateur d’iles l’ami Orsenna. Son point d’ancrage est à Bréhat mais son bateau a été vu au port de Groix la semaine dernière. Au grand dam de la libraire, il n’est pas même monté jusqu’au bourg.
Pourtant, elle a tous ses livres en rayon et à L’Ecume on aurait été fiers d’accueillir l’illustre voyageur… Rendez-vous manqué pour cette fois…  Il y a en aura d’autres, des bateaux et des passagers, célèbres ou visiteurs anonymes, dont les pas se suivent et se ressemblent.


Alors, un dernier verre de Breizhcola ou d’Ice tea du Phare ouest - vive l’humour breton- avant de penser au retour. Du bateau, l’ile s’éloigne déjà. On distingue encore, sur la côte orientale, les contours de la plage des Grands sables, longue dune blanche qui s’avance dans l’océan. Plage convexe, courbe inversée. Des sables dominants dont l’unique concession est de se laisser mouvoir au fil du temps. Plusieurs mètres par an, inexorablement. 
Une plage vagabonde. Le plus amusant dans tout cela est que le village de vacances, à l’origine construit en surplomb de la plage, se retrouve aujourd’hui en décalage permanent… Heureusement, à l’autre pointe, la plage des sables rouges dont les roches aux éclats de grenat ont donné son nom à l’ile, Enez Groe en breton,  lui tend les bras.

Une curiosité géologique et un pied de nez géographique, ce qui n’est pas fait pour déplaire aux habitants, des gens soucieux de la préservation de leur ile des promoteurs  et des opportunistes de tout bord. Vivre là au présent ou au long cours, ça se mérite …


Un vol de mouette souligne, rieur, la ligne d’horizon. La surface de l’eau se ride de sillons argentés. Un ban de sardines peut-être ? ? Lorient est au bout de la course. Du fond de mon sac, un objet oublié refait surface, un bracelet montre. Je le glisse à mon poignet. Il est l’heure maintenant.