mardi 22 décembre 2015

Commission de sécurité, mode d’emploi !

A priori, rien  à voir avec l’Etat d’urgence ou même le Plan vigipirate. Une commission de sécurité réunit différents acteurs dont la mission est de veiller à la sécurité des lieux dits ERP, soit les établissements recevant du public. Pour animer ces visites, la présence d’un conseiller municipal est indispensable. Pour autant, et à moins d’être soi-même du métier, c’est en suivant le pompier dans ses investigations sur place que l’on prend conscience des enjeux. De la simple signalétique des issues de secours au bon fonctionnement des alarmes incendie et autres systèmes de désenfumage. Ma dernière visite en date, à la Bourse du Travail, m’a permis de rencontrer le RUS de service- trois lettres qui désignent tout bonnement le « responsable unique sécurité ». Et aucun lien de causalité avec d’hypothétiques origines slaves de la personne… L’objet de cette visite était de réceptionner le nouveau SSI, « système de sécurité incendie », reconfiguré à l’aune d’un espace comprenant à la fois une salle de spectacle, des locaux associatifs et une salle de congrès. Je ne vous cache pas l’importance de la « machinerie » mise en oeuvre...
 
En presque deux ans de participation à ces commissions, j’ai ainsi pu me familiariser avec un jargon propre aux professionnels de la sécurité –  petit inventaire non exhaustif ci-dessus -   et à des procédures dont je ne connaissais pas même l’existence. Rassurant au final de savoir qu’en France, élus, responsables des services techniques de la ville, pompiers et policiers se concertent sur la conformité des établissements publics et privés, hors immeubles d’habitation bien sûr... Sont concernés les écoles, les équipements d’hôtellerie et de restauration, les centres commerciaux, salles de sport, de spectacles, maisons des jeunes et de la culture, les locaux administratifs, hôpitaux, etc, tous classés selon leur catégorie 1, 2, 3, 4…
 
Pas d’étoiles à décerner ici mais l’assurance pour le public et le personnel y travaillant d’être évacués en toute sécurité lors d’une alerte incendie. En cas de consignes non respectées, la commission peut émettre un avis défavorable à la poursuite de l’activité. Honnêtement, cela m’est arrivé une seule fois… et les prescriptions ont pu être levées rapidement grâce à la responsabilité de chacun. A l’attention de mes collègues qui hésitent encore à se lancer dans l’aventure : vous apprendrez beaucoup côté coulisses et c’est vous qui aurez le mot de la fin en rendant l’avis de la commission à l’issue des délibérations !
 
Parmi les temps forts, j’ai en mémoire une déambulation particulièrement bien encadrée, et remarquée, dans les allées de la Part-Dieu, ainsi qu’une visite dans une crèche où les enfants étaient vraiment très très impressionnés par l’uniforme aux multiples poches et accessoires de l’agent de police.
Je me dis que depuis, certains ont peut-être commandé le même au Père Noël – c’est de saison - ou  bien un déguisement de pompiers, grand classique du genre…
 
Comme quoi la sécurité, en plus d’être vital, ça peut aussi faire rêver !

samedi 12 décembre 2015

Lyonnaise avec deux « N »

Chaque déménagement est une forme de détachement avec un avant, même si on emporte avec soi des cartons remplis d’objets connectés à nos souvenirs. Surtout si on quitte une région aimée. Ma mémoire est pleine de ces madeleines au parfum d’enfance. Il m’arrive de les partager en écrivant. Confidence pour confidence, ce soir c’est avec amertume que je songe à tous ces paysages connus et les pas perdus résonnent tristement à mes oreilles. Car depuis dimanche dernier, les sirènes lepénistes ont su séduire les électeurs de la région lorraine, renommée « Grand Est » depuis son mariage avec l’Alsace et la Champagne-Ardenne. Arrivé en tête à Metz, Lunéville, Toul, Longwy, même si  Nancy a résisté et placé le candidat socialiste bon devant au soir du premier tour- merci Stanislas-, le FN pourrait emporter la mise le 13 décembre. Je songe à cette chanson « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine », écrite au lendemain de la guerre de 1870. Contexte différent me direz-vous puisque cette fois-ci Lorrains et Alsaciens peuvent librement choisir leur camp. Idem pour les habitants du Nord-Pas-de-Calais et de PACA.


Je pense à mes amis là-bas, à ma famille, aux vivants et aux morts qui n’auraient pu imaginer un tel avenir, un tel sort… A ces français, un sur deux, qui n’ont pas même fait le geste d’aller voter. Désabusés, désenchantés, toujours le même refrain… dont il faudrait bien changer…
Je pense aussi à ceux qui sont venus dans mon bureau de vote dimanche dernier, mes voisins entre autres. A ceux qui reviendront. Aux anciens et aux nouveaux lyonnais. Moi-même suis devenue lyonnaise il y a dix ans. Par choix. Nouvelle ville, nouvelle vie, à la croisée des chemins. Emménagement dans un arrondissement au hasard, enfin presque, entre Part-Dieu et Berges du Rhône, au cœur de la cité. J’aurais certes pu m’installer ailleurs, à Paris ou à Rennes, ou encore Marseille, et l’histoire aurait été différente. Plus ou moins belle.  Et pourquoi ( pas) le Brésil ? ajouterait Christine Angot. That is the question… Mais voilà c’est à Lyon que je vis, milite, travaille. Et j’aime ma nouvelle région, à la fois ouverte sur le monde et fidèle à ses valeurs. Pas de danger immédiat d’une victoire du Front national en Rhônes-Alpes-Auvergne. Pour autant, ne pas baisser la garde. Rester vigilants face à une droite extrême et arrogante… Donner envie aux abstentionnistes d’exercer leur droit de citoyens. Responsables.

La journée de dimanche prochain promet d’être longue. Dans les bureaux de vote et ailleurs.
Et sous tension en cette période d’Etat d’urgence. Entre « front républicain » et stratégie du « ni-ni », chère à Nicolas Sarkozy.
Le soir venu, j’espère ne pas finir trop NRV, à l’image de mes initiales.
Comme quand on me fait épeler mon nom, et répéter que Vannini prend bien deux « N ».   Lyonnaise ou Nancéienne, même combat ! D’ailleurs l’orthographe et la prononciation, c’est une autre des épreuves des jours d’élection. Les yeux rivés sur le cahier d’émargement et les cartes d’identité, rester attentif à ne pas faire de faute pour ne pas froisser la personne en face de soi, respecter ses origines, son histoire. Je me souviens d’une dame qui tenait absolument à l’accent sur son « e » final. Veiller à ne pas troubler l’électeur, suffisamment désorienté au moment de faire son choix : l’isoloir, les papiers à présenter, le vote, la signature. Il lui faut tout faire dans le bon ordre, sous les regards  ...

L’enjeu est le même pour le président ou la présidente de bureau avant de clore le scrutin, de passer au décompte des voix et à la fin des opérations électorales.


La politique n’est  pas seulement affaire de calcul. C’est aussi le lieu des humanités…

dimanche 29 novembre 2015

La loi des séries

J’ai un faible pour les séries. Anglo-saxonnes ou plus récemment celles venues du froid. Je me souviens avoir été tenue en haleine tout un été par The killing . Et je n’étais pas la seule dans ce cas … En France aussi, le genre a tout pour plaire. Les séminaristes d’Ainsi soient-ils , confrontés à la vraie vie ou presque,  en ont encore brillamment fait la preuve cet automne sur Arte. Et Un village français – pas celui de Stéphane Bern, heureusement merci - revient en force sur les écrans avec une communication coup de poing.
La série, à ne pas confondre avec le feuilleton même si elle en partage l’esprit, répond à un rituel d’écriture bien codifié : en dire juste assez pour entretenir le désir, séquencer l’histoire, et savamment laisser la fin ouverte dans l’attente d’une suite possible, voire probable. Les fameuses saisons… Dans mon entourage certains appellent cela « une prise d’otage symbolique ». Peut-être, mais si la satisfaction de spectateur est à ce prix, je veux bien attraper le « syndrome de Stockholm » et vouer mon psy aux gémonies !
 
D’ailleurs, le principe ne date pas d’hier puisque le grand Balzac distillait ses meilleures feuilles, « day after day », dans les journaux de l’époque. C’était la naissance du roman-feuilleton dont la recette avait déjà le goût du suspense. Balzac écrivait souvent la veille pour le lendemain, s’enchaînant à sa table de travail, pour l’argent - qui manquait souvent au père de la Comédie humaine - et pour la notoriété publique procurée par la presse. La Cousine Bette morcelée, découpée en tranches ou plutôt en pages noircies à la plume, permettait facilement d’identifier son auteur et d’en apprécier la signature... De même pour Eugène Sue dont Les mystères de Paris, publiés quotidiennement dans le Journal des débats entre juin 1842 et octobre 1843, ont suscité un véritable engouement populaire. A tel point que Théophile Gauthier a pu écrire : « Des malades ont attendu pour mourir la fin des Mystères de Paris ».  Bref, nous n’avons rien inventé en terme de culte et d’addiction …
 
Dans la série contemporaine, souvent aux allures de thriller, les pistes sont brouillées à dessein et les profils des suspects se suivent, sans pour autant se ressembler… Oui, on nous mène par le bout du nez, on nous balade sans cesse. Mais c’est la loi des séries, le règne des scénaristes tout-puissants ... Dernier exemple en date, Le passager et son héros amnésique, endossant des identités parallèles. Rêve ? Illusion ? Vérité cachée ? Les meurtres aussi s’y succèdent, avec mises en scène macabres, se référant à des figures mythologiques. C’est d’ailleurs à la suite d’un épisode du Passager que l’actualité de ce terrible vendredi 13 novembre m’a rattrapée. Stupeur et tremblements  au cœur du cauchemar d’une nuit parisienne. La réalité dépassant brutalement la fiction. Triste temporalité fatalement entachée du sang des victimes de cette soirée. Mais aussi marquée par l’élan de solidarité et de résistance de tout un peuple face à une idéologie haineuse, laquelle rejette notre culture, le droit à l’éducation, au divertissement, à la différence des goûts et des couleurs et à l’égalité des sexes. Une idéologie régressive, repliée sur elle-même, niant l’histoire dont nous savons bien que la suite n’est pas encore écrite, dans l’existence comme dans l’imagination des auteurs de tous bords et de tous poils.
 
Pour revenir à plus de légèreté, et à mon sujet du jour, la série je crois bien que je suis tombée dedans toute petite. La première fois, c’était avec Chapeau melon et bottes de cuir, version Emma Peel pour les bottes. Privilège d’enfant en « garde alternée », entre parents et grands-parents, j’avais le droit de « squatter » le canapé du salon le samedi soir et d’y regarder la télé. Je connaissais par cœur les images du générique, et la musique forcément. Je ne comprenais pas tous les dialogues mais peu importe, le duo d’acteurs me comblait. Ce n’était certes pas une émission destinée aux enfants mais voilà, j’ai grandi avec les héroïnes de la série… C’est comme ça et je ne vais pas faire un procès à mes parents après toutes ces années. C’est d’ailleurs avec émotion que j’ai appris il y a quelques mois la disparition du très british Patrick Mac Nee, l’homme au chapeau melon. Quant à sa partenaire,Diana Rigg, alias Emma Peel, il parait qu’elle joue le rôle d’une grand-mère au caractère peu conventionnel dans Games of thrones. Je n’en dirai pas plus car je ne connais la saga que de nom. A chacun ses lacunes ;-)
 
Et je n’aurai sans doute pas le temps de rattraper mon retard sur les saisons passées. Tant pis, ainsi va la vie, la vraie comme celle des séries, il arrive parfois de manquer un épisode… Mais heureusement l’histoire continue…

 

lundi 9 novembre 2015

Maison des Italiens

Episode 2 : Zilli e figli 


La pièce bruisse de mille sons. Dans un coin, les drapeaux reposent, bien dans leurs plis, tandis qu’au centre chacun se presse, des verres s’entrechoquent et les conversations vont bon train.

Il y a là le consul général et son épouse, Monsieur et Madame Giulio Marongiu, Madame Batailly, née Colussi, et puis la vice-consul, la signora Paola Coppola Bottazzi, les membres des associations frioulanes, les vicentini, les apuliens, des militaires en tenue d’apparat, élégamment coiffés, les élus des « Comitès », représentants les Italiens de l’étranger, une délégation de la Croix-rouge, venue de Turin. Sans oublier les élus lyonnais… C’est un peu comme dans un film d’Ettore Scola, de retrouvailles joyeuses en souvenirs émus, toujours haut en couleur. C’eravamo tanto amati.
Plus tôt le matin, tous étaient réunis devant la « Grande Madre » à la Guillotière pour rendre hommage aux soldats disparus, ceux de 14-18, inhumés en terre italienne, petite enclave au cœur du cimetière lyonnais, selon la volonté d’Edouard Herriot. Moment de recueillement, en amont des cérémonies du 11 novembre.

En Italie, c’est le 4 la date officielle. Ici, l’automne n’en finit plus de rougeoyer et sur les tombes alentour, les plantes de la toussaint, mauves, pourpres, or, ont fleuri, mêlant les défunts dans une mémoire collective.
Le froid ne se fait pas encore mordant. Octobre s’achève en douceur cette année, tapis de feuilles sous les pas.
Samedi 31. Demain c’est jour férié, alors on peut bien prolonger le plaisir d’être ensemble. C’est ce que semblent dire les sourires des convives, déambulant autour du buffet d’antipasti et de « dolci ». Je partage leur belle humeur.
Parmi les petits groupes attablés, un homme me fait signe, amicalement. Il connaît mon intérêt pour la Maison des Italiens, a lu l’article que j’y avais consacré l’an dernier… Il me dit :
-       « Vous connaissez sans doute la marque Zilli ».
Son œil brille. J’acquiesce en précisant ne pas porter de vêtements de cette griffe. Il rit et poursuit :
-       « Aucune importance. D’ailleurs, la spécialité de la marque est plutôt le vestiaire masculin. Je n’avais pas l’intention de vous faire l’article vous savez, plutôt l’envie de vous raconter une histoire, en l’occurrence celle du fondateur de Zilli. C’était mon père… »



Comment refuser… Le temps s’efface et me voilà transportée dans les années d’après-guerre. Le fils Zilli a le sens de la narration et l’éloquence facile :
-       « Téofilo, dit Téo, était un immigré italien parmi d’autres. Il est venu tenter sa chance, ici, en France avec pour tout bagage ou presque, ses ciseaux en poche. La marque du savoir-faire dans les premières pièces découpées et un amour des belles matières (déjà) l’avaient fait remarquer dans le métier. Un ami, établi à Paris, lui avait conseillé de le rejoindre... Mais à l’heure du départ, c’est à pieds qu’il lui a fallu traverser le col du Petit Saint Bernard  depuis son Frioul natal. Toute une aventure pour passer de l’autre côté… Arrivé clandestinement à Lyon, il a d’abord dû transiter par le Centre Lumière, avenue Lacassagne, là où se retrouvaient les étrangers, les sans-papiers... Rapidement, il réussit à se faire embaucher chez un tailleur lyonnais. Il ne manquera jamais de travail par la suite, gravissant les échelons dans plusieurs maisons de couture, avant de  franchir une nouvelle étape en s’installant à son compte.»

« Au début l’atelier était rue de Créqui, plus tard ce fût Montchat le siège officiel. Je crois que ce quartier ne vous est pas inconnu… » me glisse Bernard Zilli d’un air entendu, avant de poursuivre :
-       « C’était en 1965. La Maison, 26 Cours du Docteur Long abritait des trésors : soie, fourrures, alpaga, cachemire, vigogne, chevreau, pécari. Ceux qui y sont passés en parlent encore avec émotion. Questionnez autour de vous, vous verrez … »
Il complète :
« Chaque blouson de cuir ou paire de chaussures était livré dans un      emballage aussi précieux que le modèle. Le raffinement dans le moindre détail et dans les finitions comme ces impressions de soie à motifs, n’ayant rien à envier aux célèbres carrés Hermès. Les clients venaient de loin pour s’offrir du Zilli et appréciaient l’essayage unique. L’œil du maître était exceptionnel et s’y refléter un privilège ! »
Petite pause de mon interlocuteur pour reprendre son souffle et accessoirement boire une gorgée de vin (sans doute un cru italien). Je le sens fier, et un peu mélancolique à la fois.
Il replonge à nouveau dans ses souvenirs :
-        « Mon père n’était pas un homme d’affaires à proprement parler, plutôt un artiste ambitieux. Il avait en revanche la passion de l’innovation, et mettait la technique au service de ses idées. Je le voyais à l’œuvre... Sa machine à coudre était un prototype, une petite merveille ! Je me souviens aussi qu’il avait inventé un procédé pour coller les peaux sans risquer de les tâcher. C’était un précurseur, pas un capitaine d’industrie. Et puis il y avait la maladie qui le rattrapait à intervalles réguliers. La famille Schimel avec laquelle il s’était associé a repris le nom. La suite est bien connue : Zilli en lettres d’or dans les capitales les plus prestigieuses. Paris, c’était le rêve de mon père, depuis toujours ! De ce point de vue, il a été exaucé, et même au-delà… A  Lyon, il est resté les ateliers. Mon père aimait bien y retourner et il était très fier de l’essor des établissements. Les Schimel ont su faire grandir Zilli, en faire une vitrine. Mon père, lui, avait écrit le début de l’histoire. Vous vous rendez compte qu’à près de 90 ans, il continuait à créer, à inventer des modèles…»
 La voix de Bernard Zilli se fait plus hésitante, comme voilée :
-       « Toute cette histoire, des débuts en Italie à la rencontre avec la  France, d’autres que moi en ont parlé dans les récits des frioulans. Ses compagnons de route. L’amitié, c’était sacré pour mon père. Presque une religion… Il repose désormais en paix au cimetière de la Guillotière. Nous y étions ce matin, alors je me suis dit que c’était le bon jour pour vous raconter tout ça… »
Je suis impressionnée. Et parviens à dire combien j’ai trouvé son récit captivant :
« Quel personnage ce Téo, si je peux me permettre d’utiliser son diminutif. J’aurais beaucoup aimé le connaître. Vraiment. Je serai ravie d’en apprendre plus sur  votre père... Une autre fois peut-être ? Sa vie pourrait bien inspirer un livre, vous savez, ou même un film. Pas un biopic, trop tendance, même la papauté s’en mêle aujourd’hui ! ». Le ton de la conversation redevient plus léger :
-       « Pourquoi pas ? Si vous y avez trouvé de l’intérêt, d’autres y seront sensibles également… En effet, mon père n’était pas un sujet ordinaire... Et puis j’ai encore beaucoup d’anecdotes en réserve. Mais assez parlé du passé pour aujourd’hui ! La vie doit reprendre son cours… »
Je poursuis en pensée : oui, pourquoi pas des images pour ressusciter l’histoire d’un petit tailleur italien très doué, trop peut-être, et dont le nom est devenu un symbole dans l’univers de la mode. Il faudrait aller jusqu’à Borgo Zilli, non loin de San Daniele, le point de départ… Daniel, c’est aussi le prénom de mon grand-père. Il n’était pas frioulan mais toscan. Peu importe : les racines, toujours un fameux héritage.
Et puis se rendre à Paris, au cœur du triangle d’or où Zilli a son nom, gravé. Son Panthéon à lui…
Quelqu’un m’arrache à ma rêverie. Tout autour, les groupes de dispersent petit à petit.
De retour chez moi, je me lance dans une recherche sur Téofilo Zilli et je découvre qu’il est né un 31 octobre. Simple coïncidence ou esprit malicieux à l’origine de la conversation du jour …

Il faudra d’une manière ou d’une autre lui donner une suite, en reprendre le fil, soigneusement, confectionner une trame, à la hauteur de Zilli, pas par goût du luxe mais pour retracer le chemin parcouru par cet homme. J’en suis convaincue. Je pense au Rendez-vous des étrangers, ce roman d’Elsa Triolet, écrit dans les années 50.  A la place des immigrés de l’époque, choisie, subie ? Je pense à ma famille aussi ... Et puis, simple curiosité mais j’ai oublié de demander au fils de Téo s’il devait son prénom à la fameuse traversée du col du Petit Saint Bernard. Comme un souvenir de l’ascension de son père, un génie en marche … 


Impossible de ne pas songer, en parallèle, à tous ceux qui aujourd’hui encore prennent la route pour prendre en main leur destin.

dimanche 25 octobre 2015

Avoir ou pas l’ikéatitude !

Qui n’a jamais franchi le seuil du géant mondial du meuble en kit ?
Pour une raison ou une autre, par simple hasard ou avec une idée précise en tête.
 
La dernière fois, il s’agissait pour moi d’une histoire de tabouret cassé, sorte de « canard boiteux » à remplacer d’urgence… En fait d’urgence, je me suis offert une balade improvisée au pays de la Maison idéale. Car Ikea a aujourd’hui largement dépassé le stade de fournisseur de mobilier pas cher et s’invite dans l’univers du Bien vivre ensemble , en famille ou en colocation. Concept habilement emprunté au politique et qui se décline via de nombreux slogans et d’une éthique dans l’air du temps.
 
La stratégie marketing  fait mouche…
Jugez-en vous-même au travers de ces quelques phrases piochées ça et là sur les panneaux publicitaires ou dans les pages du catalogue : « Quoiqu’il advienne, notre ambition reste la même depuis nos débuts : améliorer le quotidien du plus grand nombre. »  ou bien dans le genre petites phrases  : « Chacun vaquant à ses occupations, mais ensemble »,  « Il reste toujours une place à table », « Faire de chaque jour un spectacle ». Et pour clore le chapitre : « Cultiver, mettre en conserve, réutiliser, recycler… Toute la famille peut s’y mettre et par la même occasion adopter un mode de vie plus durable. » Ikea family, c’est tout un programme !
 
Sir Terence Conran, le créateur de la chaîne de magasins Habitat avait bien défini une philosophie du  Beau adapté au quotidien, peut-être un peu moins teintée d’égalitarisme, et plus centrée sur une confortable vie de couple. Laissons le temps au nouveau vice-président de l’enseigne, l’emblématique Arnaud Montebourg, d’imprimer sa marque en matière de communication. Depuis son arrivée aux manettes, Habitat France revisite déjà la politique du « produit local ». Un bon début… Moi, j’attends avec impatience le canapé à rayures façon marinière!
 
Retour chez Ikea, sa fondation et ses enjeux sociétaux au cœur de l’actualité. Le groupe suédois s’engage à soutenir l’action du Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés, en fournissant des équipements d’éclairage et d’énergies durables pour les camps de réfugiés, et l’écrit noir sur blanc : « La fondation Ikea continuera de s’engager dans les années à venir pour offrir un avenir plus positif aux plus vulnérables. » Ikea serait donc franchement de gauche ? En tous cas, parfaitement éclairé via sa fondation !
 


Cerise sur le gâteau, Ikea est aussi moteur pour sauvegarder la planète par le choix de ses matériaux « renouvelables, recyclés ou recyclables » et en mettant en œuvre cette belle pratique dans le fonctionnement de ses points de vente : « Aujourd’hui, 100% de l’énergie consommée par nos magasins en France provient de sources renouvelables ». Pour la Chine, premier fournisseur, et nouvel eldorado, rien n’est précisé…
 

En attendant, et sans aller aussi loin, les magasins, déjà situés à la périphérie des grandes villes, vous obligent à rejoindre leur entrepôt, à plusieurs kilomètres de là, pour récupérer vos achats en stock. Ce qui n’est pas vraiment optimal en terme d’économies d’énergies et de gain de temps…
 

Mais voilà, en cette période de vacances de Toussaint où j’ai remis les pieds chez Ikea, le Père Noël était déjà dans la place. Il est vrai qu’en Suède l’hiver ne se fait pas attendre, avec Sainte Lucie et son cortège de lumière en « prime-time ». Alors, la plupart des clients se laissent séduire à bon compte par ce rendez-vous scandinave…
 
Bref, pour ne pas finir sur une note négative, et rassurer les adeptes du concept Ikea, oui moi aussi j’aime les petits pains à la cannelle, les biscuits aux épices, dits « pepperkaka » accompagnés de confitures de baies d’airelles, ou de blueberry, le tout en vente à l’épicerie suédoise. Et, j’allais oublier, un truc vraiment super pratique et efficace : les petites pinces de toutes les couleurs pour refermer les sachets entamés. Une chasse au gaspillage alimentaire très réussie et une alternative aux épingles à linge qui du coup retrouvent le fil…

mercredi 30 septembre 2015

Sans Léa Seydoux…

Voilà, il est terminé ce film dont on m’a tant parlé. Je dis « on » à défaut de citer son auteur, qui n’est autre que l’homme partageant ma vie. Je pourrais dire que je suis la femme partageant la sienne, de vie. Car il s’agit aussi de cela dans « De quoi Elsa est-elle le nom ? ». Une affaire de rôles…

Présenté dans le cadre de la Quinzaine pour l’égalité Femmes-Hommes, il est un hommage à la romancière, la résistante, la créatrice aux multiples talents, et épouse de Louis Andrieux plus célèbre sous le nom d’Aragon. 

Quand l’idée du film a germé, les événements autour d’Elsa Triolet n’avaient pas encore pris place à Montchat. Pourtant le projet se dessinait déjà avec l’idée d’aller au-delà de l’image d’Elsa, des « yeux d’Elsa » la muse, et d’atteindre la femme, parfois dissimulée derrière ses personnages. Par le biais de la fiction documentée, l’objectif est je crois atteint. De regards croisés en rêveries fiévreuses, Elsa revit, avec ses doutes et ses espoirs, si proche de nous.

Elle qui disait « Je suis pessimiste par l’intelligence et optimiste par la volonté » semble nous parler de notre époque, encore et toujours. J’ai d’ailleurs envie de la faire mienne cette phrase, tant elle me semble juste. Il me manquera simplement la pointe d’accent russe et légèrement rocailleux d’Elsa. 

Alors, et j’entends déjà la question : mais que vient donc faire Léa Seydoux dans cette histoire ? L’actrice n’est pas une spécialiste d’Elsa Triolet. Certes… Mais elle a interprété une de ses héroïnes, Martine, dans Roses à crédit.  La projection du film d’Amos Gitai, salle Barbara en mars dernier, avait été un peu chaotique. Les images tressautant à intervalles réguliers n’empêchant pas le spectateur d’admirer, au passage, la plastique de la belle Léa. Je suis certaine que beaucoup se souviendront du long plan séquence sur ses orteils et la plante de ses pieds… Très charismatiques…

« De quoi Elsa est-elle le nom ? » adapte l’esprit de cette scène mais cette fois, c’est un jeune comédien de la troupe des Chariots de Thespis qui se prête au jeu. Plutôt pas mal. Désolée pour les fans de Léa Seydoux mais, selon la formule consacrée, elle n’était pas libre aux dates de tournage…

 Quoiqu’il en soit, connaissant ou pas l’univers d’Elsa Triolet, vous trouverez de l’intérêt, du plaisir à découvrir « De quoi Elsa est-elle le nom ? ». Vous allez même y dénicher un brin de fantaisie. Allez, un petit aperçu avec la bande-annonce !

dimanche 20 septembre 2015

Article de saison…


Difficile d’être passé à côté cet été, à la plage, et même à la ville où les vagues de chaleur successives ont modifié nos habitudes vestimentaires. Il ne s’agit pas du port du minishort ou des tongs qui tiennent déjà le haut du pavé dès que la température grimpe, mais de la nouvelle mode du tatouage.
Bien loin de la tendance soft Daho 86 et de son « Epaule Tattoo » chérie des ondes radiophoniques cette année-là, le tatouage ose désormais une version in extenso. Au gré d’un bras, d’une jambe, au détour d’un dos, arabesques et pointillés sortent au grand jour. 

Nul besoin de retracer toute l’histoire de cette pratique d’origine tribale, symbole de reconnaissance, d’appartenance dont la racine renvoie à la langue tahitienne, tataus.
Après quelques apparitions marquantes au cinéma, Steve Mc Queen en Papillon condamné au bagne à perpétuité, Gabin transportant un Modigliani sur le dos, ou encore le magnifique et très inspiré Alabama Monroe, son évolution répondrait à d’autres critères d’influences. Suggestion d’un ami à qui j’ai parlé de mon article en préparation : dernier avatar des films X… Ce à quoi je réponds que, de toutes manières, je préfère ceux du Losange, de films… Bref.
Autre piste avancée, les stars du foot qui n’hésitent pas à arborer moult tatouages, photos en couverture de magazine à l’appui. Idoles des temples modernes, n’ayant plus rien à envier aux champions de l’ovalie ? Arrivé à ce stade, je quitte le terrain, trop médiatique à mon goût.
 
Mon intérêt dans cette affaire serait plutôt de décoder le phénomène, vu de la rue. Curiosité piquée à vif, me direz-vous…
 
De passage au Binic Folk Blues Festival pendant les vacances, j’ai bien essayé de poser la question à plusieurs individus- garçons et filles confondus- dont le signalement correspondait à ma recherche, dans un esprit parfaitement clanique. Ni « very bad-boy », ni sortis du rayon des cultissimes décalcomanies Malabar… Elles et ils se sont montrés évasifs, m’invitant à boire un verre et à ne pas me prendre la tête en plein mois d’août. Désolée, mais je n’arrive pas à bronzer idiote ais-je répondu en acceptant néanmoins une Coreff, la bière locale. Même si j’ai un faible pour la Philomène, un autre cru de bière bretonne. Pour les amateurs d’eau douce et de « Breizh attitude » en bouteille, la Plancoët reste une valeur sûre…
 
Je m’amuse un peu comme si je n’arrivais pas à m’attaquer de front au sujet : évoquer ceux qui écrivent sur leur corps. Sur les mûrs, c’est plus simple et moins définitif. Cela nous parle de mai, de révolution, de street art.  Celui qui aime écrit sur les murs… disait Elsa Triolet.
La peinture sur soi, c’est différent. Un art appliqué ? A apprécier au regard du temps et du talent requis pour décliner ces marques de style.
 
Une image me revient alors, celle d’un film, The pillow book. L’intrigue « made in Japan » mettait en scène une jeune femme-écrivaine usant de la peau comme d’une toile manuscrite.
Il faut dire que son initiation avait commencé très jeune, quand son père, célèbre calligraphe, lui dessinait sur la joue un vœu d’anniversaire.
Où et comment se termine le parcours de l’héroïne et de son livre unique, j’avoue en avoir oublié le détail. L’écriture, via le ballet de la plume, étant plus palpitante que la chute de l’histoire. De l’art et de la manière de (se) raconter comme personne !
 
Reprenant mon propos avec ce modèle en tête, j’entrevois peut-être l’actuelle quête de sens du tatouage : un dessein pérenne, incarné, à l’heure du tout éphémère, de la consommation volatile, même si un tatouage peut toujours en recouvrir un autre…
Acte militant, signe d’engagement, choix de vie tracé à l’encre indélébile, si tous ces motifs sont bons, sa réalisation n’en est pas moins anodine. Grain de peau sensible, la prudence est de mise…
 
Plus « couture », s’afficher (très) tatoué c’est revêtir une parure éternelle ou presque, un habillage chamarré à fleur de peau pour tous les jours, même gris, ordinaires.
 
Comme dirait Mademoiselle Agnès : Nous voilà habillé(e)s pour l’hiver !

mardi 1 septembre 2015

Merci Catherine Cusset !

Chaque année, c’est la même chose. Un peu comme une fatalité, je sais que je vais tomber sur un roman de Catherine Cusset pendant les vacances. Cet été encore n’a pas échappé à la règle et La blouse roumaine m’a doucement fait glisser d’août à septembre. L’an dernier, c’était Indigo. Rien de prémédité dans tout cela. Simplement, l’histoire se répète, dans les rayons d’une librairie, au hasard des couvertures des livres feuilletés : « Tiens, le dernier Cusset est sorti en poche ! » ou « Une réédition du premier bouquin de Catherine Cusset ! ». J’ai bien  essayé de changer de libraire, pour voir. Rien n’y fait…
J’achète donc et en général je lis très vite le livre en question.
 
Catherine Cusset n’est pourtant pas plus prolixe qu’Amélie Nothomb ...
Son écriture est toutefois fine et incisive, tout comme ses récits. J’avais commencé avec Confessions d’une radine (2003). C’était assez drôle et bien construit. Tout comme La haine de la famille (2001), son précédent livre. La suite, plus convenue, mais intéressante dans son exploration de la vie des intellos, enseignants, « Bobos » français ou américains, et de la famille toujours. Beaucoup de chapitres sont d’inspiration autobiographique ; l’auteur ne s’en cache pas. Je devrais dire autofiction, c’est le terme consacré.
 
Les personnages semblent se suivre et se ressemblent au fil des romans, surtout les héroïnes. C’est peut-être ce qui me plait en la lisant d’une année sur l’autre : retrouver cette sensation familière, comme si on n’avait pas vieilli, ni elle, ni moi… Il se trouve qu’on a le même âge, si j’en crois les quelques lignes en introduction du Folio entre mes mains, et le même amour pour la Bretagne. En revanche pas d’éducation catholique en commun, ni de tignasse frisée ! Ne cherchez pas le lien entre les deux. Il n’y en a aucun.
 
Je ne l’ai jamais rencontrée, juste aperçue sur un plateau télé, un soir. Le souvenir d’une personne simple, souriante, « bon enfant ». Des problèmes, elle en a sûrement, comme nous tous, elle en a même fait un roman, Le problème avec Jane, mais elle ne les rabâche pas en permanence face caméra. Ne pas se méprendre et en faire une spécialiste du « gnangnan » ou des bons sentiments. La dame a choisi le Marquis de Sade comme sujet de thèse, tout de même… et son premier livre a été édité par Philippe Sollers dans la collection L’infini.
 
Elle a choisi de s’installer aux Etats-Unis, où elle a longtemps travaillé dans le milieu universitaire mais il semblerait qu’elle passe toutes ses vacances en France.
Ce serait amusant de l’y croiser, et de lui faire part de mes impressions la concernant.
Forcément, j’aurais son dernier livre en main, ou dans mon sac, car ce serait la fin de l’été, pas encore la rentrée mais presque…
Je pourrais lui dire merci pour ces années à m’accompagner, à distance régulière, en me donnant le sentiment de partager sa force sensible. Une rencontre d’auteur à lecteur, mais incognito, loin de la pression médiatique et de la foule.
La Bretagne, Lyon, Paris ? Qui sait…
 
En attendant, c’est déjà la rentrée et la fin de la lecture en mode illimité.
L’heure est à la reprise : études, travail, et emploi du temps bien défini.
Rien n’interdit cependant de s’octroyer une pause dans une librairie. Avec la rentrée littéraire,  pas moins de 589 romans attendent les inconditionnels et les curieux. Une jolie façon de prolonger l’été et le dépaysement, à seulement deux pas de chez soi.

dimanche 16 août 2015

Mais à quoi rêvent donc les éoliennes ?

Elles tournent et tournent encore, toutes ailes déployées, comme si leurs bras de métal cherchaient les courants favorables. Ces grands oiseaux blancs fichés en pleine terre, parfois en mer (dans des fermes offshore) sont des figures familières de nos paysages.
En longeant les routes et les autoroutes, on les aperçoit par petits groupes, sur un mont, une butte, prenant de la hauteur pour mieux fendre l’air. Éoliennes, devant leur nom au dieu grec Éole, emblème de la force des vents.

Mais l’éolienne a mauvaise presse. C’est une mal-aimée à laquelle on impute mille maux.
Il suffit de voir fleurir les panneaux « Non à l’implantation des éoliennes à C…..… ». On les dit bruyantes, sources de pollution visuelle des grands espaces. C’est oublier qu’elles produisent une partie de notre précieuse électricité. Pour mémoire, huit éoliennes servent à alimenter 15 000 foyers ! A l’horizon 2020, elles devraient représenter 10% de la consommation électrique française.
Quant à l’esthétique, laissez-moi rire doucement. Et là je rejoins volontiers Ségolène Royal sur le sujet : débarrassons-nous d’abord des panneaux publicitaires et autres qui enlaidissent les abords de nos villes et villages, leur conférant un aspect de « bazar de plein air » ….. Je ne crois pas que le regretté Bernard Marris en parle dans son dernier livre Et si on aimait la France mais il n’en a peut-être pas eu le temps… Je me souviens juste d’une allusion aux ronds-points, autre attribut peu valorisant de nos périphéries…

Dans l’imaginaire collectif, il y a bien de la place pour les moulins d’antan, à eau, à vent, à mer. Le plus fameux étant celui qui servait à produire de la farine, nourrissant ainsi les populations en pain et galettes de toutes sortes. Il en reste encore ça et là, certains reconvertis en restaurants, ou habitations, d’autres à l’abandon dans la campagne, le plus souvent amputés de leurs ailes.
Il y a bien aussi les Lettres de mon moulin et les vestiges du moulin de Daudet quelque part en pays provençal.
Quant aux moulins à paroles, laissons-les moudre leur grain en solitaire et nous aurons la paix.

Pour en revenir aux éoliennes, dont il me plait de prendre la défense aujourd’hui, eh bien je leur trouve de l’allure et une présence presque rassurante. L’image d’une vigie, à l’ombre des champs de blé. On me rétorquera que je ne vis pas à côté. Mais croyez-moi, la vie citadine foisonne de bien d’autres sources d’agitation et de brasseurs d’air inutiles…

Peut-être ces éoliennes, négligées de leurs concitoyens, espèrent-elles un jour prendre leur envol, et traverser la mer méditerranée, vers le pays de leurs ancêtres. Rejoindre ainsi leurs sœurs crétoises sur le haut plateau du Lassithi…
Leurs ailes seraient de toile tendue et onduleraient dans l’air, telles les voiles d’un bateau.
Les touristes viendraient de loin pour les admirer, les photographier, et leur silhouette dans le monde entier illustrerait les albums souvenirs et les guides de voyage.
Certes, elles adopteraient la nationalité grecque, scrutant dorénavant inquiètes les signes d’un ciel obscurci de nuages. En cette période de grande incertitude quant à l’avenir du pays, le verdict de l’oracle n’en serait que plus attendu de tous. Selon le schéma habituel, la Pythie, âme pure, serait choisie avec le plus grand soin, tout comme les prêtres chargés de retranscrire l’oracle, en l’état incompréhensible au commun des mortels. Les autorités compétentes alors instruites de la pensée divine, pourraient mettre en action un nouveau plan d’aide, permettant aux grecs de rembourser leur dette, immense puits sans fond…

En cette fin d’été, le feuilleton grec semble proche de sa conclusion, à moins qu’un nouveau rebondissement ne vienne relancer l’affaire. Et chacun de guetter le messager zélé qui viendra délivrer le message de Bruxelles. Car il y a bien longtemps que Delphes ne fait plus recette en matière de divination et que ses moulins à blé sont en jachère…

En attendant l’épilogue, nom masculin, du grec, épi et logos, signifiant le discours récapitulatif de la fin d’une pièce de théâtre, une simple question me brûle les lèvres :

Mais pourquoi diable les grecs ont-ils inventé la tragédie ? Ce peuple, si urbain, méritait sans doute un sort meilleur.