dimanche 24 janvier 2016

L’autre réalisateur marseillais qui a du cœur !

C’est un nom, et un style un peu à part dans la foule des réalisateurs français. Peut-être une particularité due à ses choix cinématographiques, filmer la chaleur marseillaise plutôt que les toits gris et romantiques de Paris. Sa caméra ausculte le cœur de l’Estaque, ses artères et surtout ses habitants au verbe haut.


Ses premier films, les tout premiers, Dernier été, Ki lo sa ? ou encore Dieu vomit les tièdes installent déjà une intrigue et des personnages dont le principal, l’alter-égo du réalisateur, incarné à l’écran par Gérard Meylan. Ici, on ne prend pas la pose, on ne badine pas comme chez l’élégant Rohmer, fidèle à  un esprit de marivaudage très 18ème. A contrario, les mots y sont durs, l’accent rugueux, proche des paysages du sud, sous un soleil de plomb, rappelant fatalement L’étranger. L’histoire, tragique à l’image de cette scène de cambriolage qui finit mal. A la sortie de l’usine, Ariane attendra en vain son amoureux, guettant au loin la silhouette d’une voiture fantôme. Et c’est la scène finale de Dernier été qui résonne comme une claque.

Ce réalisateur, Robert Guédiguian, c’est bien lui, beaucoup l’ont découvert avec Marius et Jeannette, attachante chronique d’un « village » marseillais, évocatrice à demi-mot de la face sombre de l’univers Guédiguian. « Les contes de l’Estaque » sont pleins de princes déchus et de « fées des lilas » aux pouvoirs débonnaires. On y respire l’air du large mais les fins de mois sont difficiles, le travail souvent précaire, les quartiers nord à deux pas seulement… Il y a là le racisme ordinaire, inscrit sur les murs de la cité et dans les têtes, tel une lame de fond, violente, et aussi l’espoir ténu d’une vie meilleure. C’est la promesse d’un nouvel amour pour Jeannette. Caressé un temps, le rêve s’éloigne… La magie du conte nous entraîne alors à sa suite pour un banquet au parfum d’aïoli dans une cimenterie désaffectée, sorte de désert des tartares en plein midi. Le cinéaste ne joue pas la carte de l’illusionniste, ni celle du tendre, en nous laissant entrevoir un « happy-end »… Ses personnages ont juste du cœur et un ancrage bien à gauche.

Si dans ses premiers films, on retrouve Le bar de la marine, clin d’œil à Pagnol, Robert Guédiguian emprunte peu au mythe local et à la saga des collines. Il cultive simplement le sens de la famille, symbolisé par sa tribu d’acteurs, Meylan le rebelle –  déjà cité, Ariane Ascaride, l’égérie et Jean-Pierre Darroussin, le doux rêveur. Les rejoignent Jacques Boudet, l’instituteur humaniste de Marius et Jeannette, Pierre Banderet, Pascale Roberts et les autres… A l’évidence, Guédiguian aime ses acteurs et tout bonnement aime les gens, de Marseille et d’ailleurs.

Dans La ville est tranquille, toujours ces mêmes personnages, rattrapés par la réalité, l’œuvre signant la fin des utopies et le désenchantement.
Pour autant, Guédiguian se souviendra toujours de sa jeunesse et de l’Humanité Dimanche, distribué avec ses copains d’alors, devenus ses héros d’aujourd’hui. Les deux peuvent se confondre, se superposer même.

C’est d’ailleurs sans surprise que j’ai un jour croisé Gérard Meylan, tracts de campagne à la main, sur le marché de l’Estaque, à côté de la célèbre baraque à panisses. C’était en mai 2012, au moment des législatives. La conversation s’est engagée sur un ton ouvert. On a parlé politique, forcément, puis cinéma pour tomber finalement d’accord sur les films de Guédiguian… J’ai bien eu le sentiment d’être un peu ramenée à la condition de « Monsieur Brun » en précisant que j’étais lyonnaise … Mais peu importe je veux bien sacrifier à la galéjade si elle a le pouvoir de ranimer la figure de l’immense Raimu et de sa célèbre réplique : « Tu me fends le cœur ! »

A la vie, à la mort !,  comme un cri de ralliement. On en a toujours besoin…

vendredi 8 janvier 2016

Mitterrand, Vingt ans après …

A l’heure où France 2 vient de diffuser un téléfilm intitulé Le chapeau de Mitterrand, difficile d’oublier le vingtième anniversaire de la disparition de l’homme, le 8 janvier 1996.
L’année 2016 marquera également le centenaire de la naissance de François Mitterrand, à Jarnac, pays charentais, dans une famille de bourgeoisie de province.

Bref, il occupe toujours les esprits celui qui disait aux français dans ses derniers vœux de président : « Je ne vous quitterai pas… ».

Le style, l’époque ont disparu avec lui, comme aujourd’hui le droit d’inventaire. Enfin presque… Reste une figure tutélaire, « statue du commandeur », toujours source d’inspiration mais difficile à égaler. Il suffit de réécouter un de ses discours pour s’en convaincre. Puissance rhétorique, alchimie du verbe et du geste pour imprimer à jamais les mots de la politique. Certains diront « maux » en pensant aux promesses non tenues, aux déroutes et autres revirements. Il en va de la politique comme de toute conduite humaine se heurtant aux contours de la réalité. Pour Mitterrand, ce fut le fracas de la mondialisation confronté à l’idéal socialiste. On peut bien être philosophe, faire des films, écrire des livres, prédire l’avenir, que sais-je encore ? Gouverner ne ressemble à rien de tel. Le pouvoir, cet illustre inconnu, si difficile à incarner et sujet à tant de controverses…



De Mitterrand, outre la place dans l’histoire de la cinquième république, persiste l’image d’un être éminemment romanesque. Julien Sorel hésitant entre l’habit sacerdotal, le noir, et l’épée, le rouge, ce pourrait être lui dans sa jeunesse. Epris de la sage Madame de Rênal et de la fougueuse Mathilde, toujours lui. Son esprit de conquête était célèbre… inlassable séducteur et amoureux de Venise, la ville galante.



La Résistance lui aura donné les clefs d’un monde en pleine recomposition. En retrouvant Robert Antelme, le mari de Duras à la libération des camps, il éprouve la douleur et l’inhumanité : l’holocauste. Il n’aura de cesse plus tard de travailler à l’amitié entre la France et l’Allemagne et à la construction européenne. Son grand projet. Les Rastignac d’aujourd’hui, et ils sont nombreux, peuvent bien s’époumoner du haut de la montagne Sainte Geneviève, leur Paris n’est pas gagné et le public un brin désabusé…

L’ambition ne se décrète pas, pas plus que l’inspiration. Elle se rencontre à la croisée des chemins et des hommes, comme la rime le poète, la pensée l’auteur. Choisissant son heure. Ecrivain par intermittence, Mitterrand connaissait les caprices de la muse, calmait ses ardeurs avec les Essais de Montaigne, et savait aussi laisser du temps au temps, fidèle au Promeneur du champ de mars, se frayant un chemin au milieu des livres, à la recherche d’une édition rare, d’une belle reliure. La littérature, son autre passion…


Lecteur de Machiavel, il était amateur de stratégie. Il a souvent gagné à ce jeu-là.

Sur la fin, le combat était devenu inégal et le doute, terrible, le hantait.
Sa quête était devenue plus spirituelle que politique. Croire ou ne pas croire ? Tel un personnage de Dostoïevski déchiré entre la lumière et l’abîme des ténèbres.

Il est parti et avec lui dans la mort cette aura de mystère, ce sourire de sphinx parfaitement énigmatique.

A chacun sa part de vérité pour se souvenir de ce François-là ... 

mardi 5 janvier 2016

Bagel Box Avenue

Vous connaissez sans doute la chanson  New-York avec toi  ou a minima son refrain entraînant : « Un jour, j’irai là-bas, un jour Chat, un autre Rat, voir si le cœur de la ville bat en toi, et tu m’emmèneras, emmène-moi… » Air mythique du groupe Téléphone qui sonne toujours juste à nos oreilles et figure en bonne place dans la « playlist » des soirées karaoké.

Je ne sais pas si Jean-Roger et Marilyne, respectivement âgés de 23 et 24 ans, l’avaient en tête quand ils ont eu l’idée d’ouvrir un restaurant américain rue Moncey : The Bagel Box Avenue.
Evidemment, comme son nom l’indique, ici le « bagel » est roi et cuisiné à toutes les sauces, fidèle à la culture cosmopolite de la « Grosse Pomme ». La carte s’enrichit de desserts dans la note, cookies, cheese-cake, tous faits maison. Cerise sur le gâteau, l’accueil et le service y sont aux petits oignons… Les jeunes gens aux commandes ont non seulement l’esprit d’entreprise mais le souci de bien faire, plus « good food » que « fast food ». Produits simples mais à base d’ingrédients 100% naturels, sans conservateurs ou additifs, à consommer sur place ou à emporter et toujours dans une éthique de restauration qualitative.

Le lieu, une ancienne agence de voyage – idéal pour vous emmener ailleurs -  a été réaménagé avec goût, tendance vintage. Parfait pour un repas sur le pouce ou un verre en terrasse - bières américaines au choix- à l’angle d’Incity et de Garibaldi.
Au soleil couchant, spectacle garanti, sur fond de toile urbaine. Et dans un cadre agréable depuis l’achèvement de la rue agrémentée d’un nouvel espace piétonnier.

Le restaurant a ouvert ses portes mi-octobre, le 13 précisément. Travaux et déco réalisés par Jean-Roger en personne, quatre mois sur le pont avec l’aide de quelques copains. Voilà un jeune homme au parcours modèle : son BTS de management en poche, suivi d’un premier job dans le commerce, il décroche un prêt pour se lancer dans l’aventure. Challenge réussi. Ses économies et le bénéfice de la vente de sa voiture ont fait le reste…
Il a misé gros mais les débuts sont prometteurs. En plus de travailler avec une clientèle de semaine, Bagel Box Avenue reste ouvert en soirée le vendredi et le samedi afin de participer à l’animation du quartier. A noter aussi le nocturne spécial du dimanche de 18h à 22h adossé à un système de livraison à domicile tout à vélo. La « Part-Dieu à vivre », ça lui parle à Jean-Roger.

Car il faut bien le constater, à part le monop’ du coin et les japonais du cours Lafayette, peu de commerces de proximité offrent leurs services le week-end venu. Les sandwicheries standardisées ont trop souvent pris le pas sur les boulangeries, oubliant les besoins quotidiens des habitants. Attention au risque d’alimenter l’esprit révolutionnaire de nos concitoyens en raréfiant une denrée fétiche en France… On sait comment ça finit…

Pour Bagel Box Avenue, l’histoire commence à peine et mérite d’être suivie. Qui a dit que notre jeunesse n’avait plus envie de se lever de bonne heure pour aller gagner son pain, même si ici on est plus bagel que baguette.
Alors n’hésitez pas à venir découvrir cette « little New-York » où on peut faire escale à toute heure ou presque comme dans la ville qui ne dort jamais…
Pour l’adresse à Lyon, c’est au 152 rue Moncey.


Good Luck J.R , un « gone qui n’en veut » !