jeudi 31 mars 2016

Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain …

On en a souvent vu dans les vieux albums de famille, de ces photos d’enfants posant sagement assis sur les genoux de leurs parents, yeux écarquillés face à l’objectif, ou plus curieusement allongés sur des fourrures ou autres peaux de bêtes. La publicité, jamais en reste, a su faire son miel de ces bébés cadum d’un jour…
Question d’époque et de regard sur un âge qui au-delà des clichés semble baigner dans l’angélisme et la béatitude. Le bonheur d’être au monde.
Pour autant, comme nous l’a bien rappelé Dolto, l’enfant est une personne. Une personne à part entière, sans le pouvoir de la parole certes, mais avec des droits et une dignité à respecter.

En prenant mes fonctions d’élue à la petite enfance, j’avoue ne pas avoir tout de suite approfondi cette dimension là. Pétrie des poèmes de Victor Hugo louant les rondes enfantines et leurs verts paradis, ou scandant les misères de Cosette et des siens, j’aurais pourtant dû me lancer derechef dans la lecture de la convention des droits de l’enfant, signée à New York le 20 novembre 1989. Mon premier mouvement a été plus prosaïquement dirigé vers les commissions d’attribution de places en crèche, dont la réputation d’instance hautement chronophage, était parvenue jusqu’à mes oreilles. Pour tout vous dire, je voyais déjà planer au-dessus de ma tête l’image terrifiante de l’autre Cronos, alias Saturne, la divinité romaine dévorant ses enfants. En l’occurrence, l’enfant cela risquait  d’être moi …

Un an après, force est de constater que j’ai survécu … Tout en ayant beaucoup   appris. Un premier bilan pour souligner que non, décidément, la vie d’élu(e) n’est pas un long fleuve tranquille, mais une remise en cause régulière des acquis et des compétences. Alors voilà, je partage ici ma récente expérience.
A la Ville de Lyon, si l’on règle les questions pratiques liées à la vie dans les crèches municipales, c’est en gardant toujours à l’esprit le projet éducatif et social de la ville : la mixité, la lutte contre les stéréotypes, bref les premiers pas dans l’apprentissage du vivre ensemble.
Même volonté à la mairie d’arrondissement, porte d’entrée pour des parents confrontés à une situation potentiellement anxiogène : confier leur enfant, ce tout-petit  « prunelle de leurs yeux » à des personnes inconnues ...
Il s’agit alors de les conseiller, de les rassurer dans leur inquiétude de parent, toute légitime au moment d’envisager une première séparation. La micro crèche ou la crèche familiale ? L’accueil collectif, individuel ou mixte ? Que choisir ? Vers qui aller ? Une mission délicate et essentielle menée à bien par les agents du service référent, notre fameux point accueil et information petite enfance, qui répond très justement à son appellation de « deuxième génération » !

Pour mieux comprendre comment se décline cette politique au quotidien, il faut  se familiariser avec le terrain, visiter les crèches, aussi appelées établissements d’accueil du jeune enfant, des lieux que j’ai moi-même découverts en néophyte. J’ai commencé par la plus grande de toutes, située rue André Philip, la crèche Boileau. Tant qu’à faire, autant s’immerger totalement ! Un grand bain iodé, d’autant plus que les différentes sections répondent aux jolis noms d’Ouessant, Belle Ile, les Mouettes et les Dauphins et sont doucement éclairées par Le Phare des parents, le blog conçu par et pour les familles.
Quatre vingt dix berceaux, deux directrices, une armée de puéricultrices, des dortoirs, coins jeux, bibliothèque, biberonneries, au cœur d’un environnement agréable à vivre pour les enfants comme pour les professionnels.
Avec une cuisine préparée sur place, je pouvais presque sentir flotter le parfum de la purée maison lors de cette première visite.

Dans les crèches associatives, même constat avec ici ou là des projets éducatifs innovants, souvent inspirés de la méthode Montessori, mettant l’accent sur l’autonomie des tout petits, l’expérimentation plutôt que l’exemple à suivre.
Ou encore l’organisation en mode fratrie, tous âges confondus, pour développer des liens solidaires entre les enfants. Le maître mot de ces pédagogies restant la confiance, confiance réciproque sans laquelle il n’y a pas d’apprentissage durable et heureux.

Dans mon parcours initiatique, j’ai souvent rencontré mes collègues en réunions de travail. Rien que des femmes, car dans ce domaine peu d’hommes aux manettes. On peut le regretter. On peut aussi essayer de changer la perception d’une délégation connotée « layette et couches-culottes ». Vision restreinte car la petite enfance est une compétence très en phase avec les enjeux actuels comme l’insertion socio-économique des familles, la place des femmes dans le monde du travail et l’égalité des chances, notamment dans les quartiers classés en géographie prioritaire. Tout commence au berceau ou presque !

Et puis, parmi les acteurs de la petite enfance, j’ai retrouvé quelques associations avec lesquelles je travaillais déjà mais cette fois-ci sous un jour nouveau. Une façon de faire le lien entre mes différentes délégations dont la vie associative reste le fil rouge. Comme un cordon ombilical …

C’est aujourd’hui avec plaisir que je vois arriver les familles avec poussettes lors des soirées d’accueil des nouveaux arrivants en mairie. Certes, tout n’est pas parfait. On peut encore mieux faire en terme de création de berceaux ou de mise en relation des parents avec les assistantes maternelles de leur quartier. Des projets sont en cours … Bientôt 100 000 habitants dans le 3ème, alors cela en fait des bébés nés ou à naître. Une raison supplémentaire de rester optimiste quant à la dynamique de l’arrondissement et de voir l’avenir en rose … En toute objectivité !

Ce billet est aussi l’occasion de remercier Thierry Philip de m’avoir confié cette responsabilité, lui qui connaît bien les rouages de la petite enfance.

« Il reste toujours quelque chose de l’enfance, toujours… » disait Marguerite Duras.

A nous de lui laisser de la place pour s’épanouir, dans nos cœurs, et dans nos villes…



1 commentaire: