dimanche 10 avril 2016

Du port du voile,

Bon, je ne pensais pas un jour écrire un billet sur le sujet. Tout le monde s’écharpe déjà à ce propos et comme le dit justement mon camarade Romain Blachier, il y a d’autres problèmes à régler dans la société française…  Mais l’autre matin, en entendant  un animateur de la matinale de France Inter- animateur que j’apprécie par ailleurs - interviewer la Ministre de la Famille, je me suis sentie obligée de réagir… Pas à propos de cette loi fraichement votée pour pénaliser les clients de la prostitution, mais sur la manière de traiter à la légère la question du port du voile. Franchement, Patrick Cohen  je vous ai trouvé un peu désinvolte, voire un tantinet réducteur face à une femme, ministre ou pas, qui défendait des positions de femme et de citoyenne engagée.
Oui, osons le dire, le voile intégral peut être un outil d’asservissement. Le moyen le plus sûr de faire disparaitre le corps des femmes derrière des pans  de conservatisme. Comme l’a justement rappelé  Laurence Rossignol, on commence par cacher le corps qui, selon un dogme édicté il y a des siècles,  ne doit pas apparaitre dénudé dans la sphère publique, et  petit à petit on finit par enfermer toute la personne derrière des murs, fut-ce ceux de la maison. On efface tout bonnement sa  présence des lieux publics, ou alors en la tolérant à des heures réservées. Procès d’intention ??
Nos grands-mères ne se sont pas battues pour rien en revendiquant et en obtenant le droit de disposer librement de leur corps et de l’afficher fièrement. D’autres dans le monde se battent encore. Trop facile de minimiser tout risque de régression de notre société. Faut-il encore et toujours citer Simone de Beauvoir : N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes toute votre vie.

J’avoue qu’aujourd’hui  croiser  dans la rue des femmes entièrement voilées  me plonge dans la perplexité… Très éloigné des mille et une nuits de Shéhérazade ou d’un orientalisme aux multiples couleurs et parfums  à l’image des saris des femmes indiennes, plus qu’un simple foulard sur les cheveux, comme des générations  ont pu en porter  sous le nom de fichu, plus qu’une simple tradition ou un signe d’interculturalité, le voile actuel ne me semble décidément pas un objet banal et anodin. Une longue robe noire ou grise masquant la quasi-totalité du corps et de la tête, de fait ne passe pas inaperçue…
Certes, le corps féminin est savamment  instrumentalisé par les publicitaires. Constat récurrent mais toujours choquant d’une utilisation de la beauté à des fins purement marketing. Certes, certaines femmes, en particulier des jeunes filles en mal d’identité et de repères, peuvent en réaction avoir envie de se réfugier derrière une couverture, au nom de la religion ou pas.  Et il y a bien de quoi se perdre dans cette forêt d’injonctions contradictoires qui peuple notre société…  Vouloir s’émanciper des diktats  est une bonne chose.  A condition de ne pas être récupéré...  C’est à ce titre très intéressant de voir que de  grandes enseignes   s’engouffrent dans ce nouveau marché qu’est  la mode islamique. La bonne aubaine que voilà, trop belle pour la laisser filer et au diable toute considération sur le fond.

 La liberté de s’habiller selon son choix  est un droit, et loin de moi l’idée de le remettre en cause, ou de m’affranchir du corollaire de la laïcité : la liberté des cultes.  Mais alors que le port du pantalon a été à une époque le moyen d’assumer  l’égalité vestimentaire  entre les hommes et les femmes, sans pour autant « gommer » leurs différences, le port du voile uniforme est plutôt en train de fracturer les relations entre les sexes, et entre les citoyens. C’est  bien dommage quand nous avons tant besoin d’apaisement. Comme il est finalement dommage que le Ministère des droits des femmes soit placé après celui de la famille et de  l’enfance. Affaire de symbole peut-être mais pour ma part je ne suis pas insensible aux symboles, et à leurs représentations, dans la sphère publique et sociale comme dans la vie privée. Au-delà des apparences et du voile qui peut parfois les recouvrir.

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