vendredi 25 novembre 2016

Un brin de poésie, en ces jours gris …

Recette pour voir fleurir un cœur d’artichaut, seul ou en bouquet (même quand on n’a pas de jardin, même en hiver) :

Choisir en faisant son marché un artichaut de taille régulière, dont les feuilles-pétales forment une jolie corolle. Le disposer dans un vase, ou un autre récipient, sans eau, et le conserver ainsi, à l’abri de la chaleur et de la lumière, jusqu’à apercevoir en son centre les premiers brins de couleur bleue. Je dis bleu mais cela peut aussi bien être parme ou mauve. Cela doit dépendre de la variété de l’artichaut et de sa terre de culture, Camus de Bretagne ou petit violet provençal. En réalité, autant de nuances que d’espèces botaniques dont la délicate améthyste.

A ce stade de la floraison, suivre l’évolution quotidiennement jusqu’à ce que le cœur entier soit recouvert de filaments de couleur. Normalement, quelques jours suffisent à l’éclosion.
Il n’y a maintenant plus rien à faire, sinon à admirer le résultat, surprenant, sans oublier qu’à ce niveau de maturité, l’artichaut est devenu impropre à la consommation…

Il va de soi que l’opération peut être renouvelée à volonté, enfin tant que dure la saison de l’artichaut, et que le cœur vous en dit… C’est souvent un spécimen oublié dans une arrière-cuisine qui, le premier, offre la surprise de cette jolie métamorphose. Faisant penser à ces plantes assoiffées par la main d’un jardinier distrait ou un rien cruel : craignant de mourir, leur fleuraison n’en est que plus belle.

Si vous avez la chance de vous promener dans la campagne bretonne, à la fin de l’été, vous pourrez voir fleurir l’artichaut, en plein champ, tête haute, auréolé d’un feuillage gris-vert se découpant finement sur l’horizon. Dans la région de Milan et en Vénétie, non content de le manger cru ou cuit, ou d’admirer ses boutons floraux, on en extrait un certain nectar à la douce amertume et aux tons ambrés : le Cynar, inspiré du latin, cynara scolymus, nom savant de l’artichaut.

Si Catherine de Médicis l’emporta dans ses bagages en quittant Florence pour la cour de France, c’est peut-être que sa réputation de remède à la mélancolie n’était pas usurpée. A défaut, c’est un excellent remède aux crises de foi.

Désormais, en employant l’expression, « avoir un cœur d’artichaut », vous penserez plus à la plante fleurie qu’à un individu au cœur trop tendre. Restez tout de même sur la défensive si vous tentez l’expérience avec son cousin, le chardon, autre type d’astéracée, dont la floraison ajoute à la couleur beaucoup de piquant…

S’il en était des idées comme de l’artichaut. Les oublier un temps pour les voir renaitre, plus éclatantes et vivaces. Encore faudrait-il garder la main légère en les remisant, et ne pas les laisser mourir, faute de soins. Gare aux étourdis et aux négligents, novices ou défricheurs impénitents. Ils pourraient se voir privés du fruit de leur réflexion, la plus habile soit-elle…

« Il faut cultiver notre jardin », disait Candide. Pour le bonheur de faire refleurir les pensées et de les cueillir au petit matin, pleines de rosée ? L’espoir est permis aux jardiniers audacieux…


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