mercredi 27 avril 2016

Bleu, Blanc, Rouge, Kieslovski…

Jour d’avril gris et tourmenté. Ciel changeant. « En avril, ne te découvre pas d’un fil !» N’empêche, même avertie, pas l’envie de remettre le nez dehors, ni d’aller boire un verre en terrasse… A la fenêtre d’en face, un drapeau tricolore s’agite. Malmené par les bourrasques, il tient bon néanmoins, et depuis plusieurs mois déjà. Ses couleurs sont un peu délavées. Au fil des jours, je me suis habituée à le voir flotter dans l’air, figure familière, alors que je ne connais pas encore les habitants de cet appartement, mes voisins d’en face, de l’autre côté du cours, côté 6ème...
Si aujourd’hui le drapeau français a le vent en poupe, il n’y a pas si longtemps  les propos de Ségolène Royal sur la question du patriotisme faisaient sourire. Bon, c’était la campagne de 2007 et la France n’était pas prête... Pas en guerre non plus, en tous cas pas sur son sol, car comme le disait très justement Jacques Prévert : « La paix, c’est de la guerre ailleurs». Dont acte.

Les temps ont changé et le bleu/blanc/rouge est devenu incontournable. Précurseur, le cinéaste Kristof Kieslovski en avait fait le sujet de sa trilogie, en revisitant la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.
Plus, d'ailleurs,  pour en souligner les paradoxes que pour l’encenser. Peu importe, le talent permet beaucoup. Et la beauté des images fascine. Bleu m’avait plu. Juliette Binoche, bousculée par la vie, inoubliable dans sa volonté de se libérer des liens du passé.
Rouge en est le bouquet final. L’héroïne, c’est un peu Marianne sur les barricades… de l’indifférence. A coup de ténacité, elle réussit le pari de réveiller les consciences, celle d’un juge à la retraite, mais aussi celle du spectateur, du citoyen assoupi dans son fauteuil. A force de regarder une vieille dame essayer, de film en film, de pousser une bouteille vide dans le silo à verre, il applaudit le geste fraternel d’Irène Jacob venant finalement à son secours. Comme il applaudit  le film testament du cinéaste...

Que ferait aujourd’hui Kieslovski de notre frilosité à accueillir les réfugiés venus de Syrie ?
Le cinéaste aurait aussi bien pu se gausser de la polémique sur la déchéance de nationalité. A quoi bon ce drapeau brandi s’il n’est que le reflet du nationalisme et non de nos valeurs républicaines…
Il est vrai que dans son pays d’origine, la Pologne, on érige des murs, des murs qui rejettent, des murs qui enferment. Alors, venir nous donner des leçons à nous citoyens français, enfants de la révolution, chantres de la Déclaration des Droits de l’Homme, et tenants de la flamme avec « Les nuits Debout » …Un comble diront certains, prêts à lâcher les chiens sur l’arrogant ! De l’art, puisqu’on vous dit que c’est de l’art, de celui qui ne connait pas de frontières, voyageur sans papiers, qui pose parfois ses valises dans les festivals. On lui donne des prix, reconnus à l’international, mais c’est du cinéma, pas la vraie vie qu’on récompense. Pour autant, le cinéma nous tend un miroir, déformant ou pas, miroir d’un monde vu comme un champ de bataille d’où surgit parfois une embellie, un regain d’humanité au travers d’un regard, d’un mouvement de caméra, d’un beau geste …

Emportée dans mon élan, j’en ai oublié la couleur du milieu, le blanc, tempérance en trompe l’œil, métaphore grinçante de l’égalité. Bien insuffisante pour s’en draper…
Le film m’avait moins plu. Histoire d’un mariage qui tourne court et d’une vengeance orchestrée à distance par l’amoureux éconduit.

Fin de la parenthèse cinéphile et retour à la réalité, au terrain… Avec l’Euro en juin, et ses six match joués à Lyon au Stade des lumières, le drapeau tricolore à la fenêtre d’en face a encore de beaux jours devant lui… Peut-être même verrais-je fleurir la bannière étoilée du drapeau européen pour la circonstance ? Il faut bien poursuivre le rêve malgré les controverses, la menace de brexit et tout ce qui vient contrarier notre envie d’une Europe unie et fraternelle. Envie, je devrais dire besoin quand le résultat des dernières élections en Autriche nous replonge dans les heures les plus sombres de l’histoire européenne. Et puis, quoiqu’il en soit, le 9 mai beaucoup de pays fêteront la naissance de l’Europe, celle de la déclaration Schuman du 9 mai 1950, celle des origines…

J’en finirai avec ces quelques mots de Robert Schuman : La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.

En attendant de l’Union européenne, une renaissance ?


1 commentaire:

  1. Voilà un article joliment écrit, aussi bien sur la forme que sur le fond. Christian

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