« Ecrire, c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si
on écrivait. »
Marguerite Duras ne croyait pas si bien dire avec cette
phrase faussement énigmatique.
C’est quoi en fait le métier d’écrivain ? Une drôle de
profession qui rime parfois avec confession. Un jeu dans la mise en scène de la
pensée, rebelle, drôle, fugitive…
Aujourd’hui, tout le monde peut écrire. Il suffit d’en avoir
l’idée et l’envie. Facebook est comme un
journal, partagé avec le plus grand nombre. Une impression, une photo, quelques
lignes et hop, on poste !
Moi, la première… Sans compter l’essor des blogs. Et du storytelling
qui a envahi le monde de l’entreprise et de la communication. Mais écrire, ça
s’apprend ou pas ? Les ateliers d’écriture, très en vogue, semblent confirmer
la tendance. On pourrait ainsi paraphraser Simone de Beauvoir : « On
ne naît pas écrivain, on le devient ».
Mais écrire quoi, pour qui et comment au juste ?
Regardez Sagan, un premier livre et déjà la signature d’une
œuvre.
Ou encore Modiano, toute une vie ou presque à raconter la même histoire… avec les mêmes
personnages un peu troubles. Le Paris de l’occupation, ses ombres. Et pour les
faire renaître, une écriture des plus limpides jusqu’au magnifique Pour que
tu ne te perdes pas dans le quartier. Ecrire comme une nécessité, une
identité retrouvée… On n’imagine pas Modiano faire autre chose dans l’existence.
C’est un écrivain. E Basta !
Me replongeant dernièrement dans des textes d’Elsa Triolet,
je mesurais toute la difficulté qu’elle avait pu avoir à passer du russe, sa
langue natale, au français. Contrairement à Nathalie Sarraute, sa compatriote, arrivée
en France à l’âge de 2 ans, Elsa a vécu toute son enfance et son adolescence en
Russie. Et même si elle écrit alors son journal en français, elle continue à
penser en russe. C’est peut-être aussi l’origine de la musique particulière,
dissonante parfois, que l’on perçoit dans l’œuvre de la romancière.
L’écriture est inégale, à l’image d’une marche tantôt plus
haute, tantôt plus basse, mais nous touche grâce à cette singularité. Toute sa
vie Elsa aura écrit, de Fraise des Bois à l’ultime publication, Le
rossignol se tait à l’aube. Ce dernier livre est un aller et retour entre
l’ici et maintenant, et ce passé qui a fini par passer… Un testament ombré d’un
doute, celui d’avoir été bien comprise, et de la peur d’être restée une
étrangère, malgré tout …
La militante, la combattante que fut Elsa s’éloigne. L’époque
est à d’autres luttes. La littérature aussi a changé. C’est l’aube du nouveau
roman. Des voix se taisent, d’autres s’élèvent. Le rossignol a fini de chanter…
En allant visiter la maison d’Elsa et de Louis, au Moulin de
Villeneuve à Saint Arnould, dans quelques jours, j’aurai en tête ses mots à
elle, ses mots à lui, comme l’épitaphe sur leur tombe. Mais aussi une clarté
telle la lumière des étoiles mortes qui continue à briller, longtemps après.
Quand elles brillent en duo, c’est encore plus beau…
Un éclat, un rayonnement dans la nuit.
Aragon, extrait de La rose et le réséda, pour
finir de nous éclairer :
Celui qui croyait
au ciel
Celui qui n’y
croyait pas
Tous deux adoraient la belle,
Prisonnière des
soldats…..
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait
au ciel
Celui qui n’y
croyait pas
Qu’importe comment
s’appelle
Cette clarté sur
leur pas
Que l’un fut de la
chapelle
Et l’autre s’y
dérobât
Celui qui croyait
au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire