dimanche 5 juillet 2015

Ecrire, késako ?

« Ecrire, c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait. »
Marguerite Duras ne croyait pas si bien dire avec cette phrase faussement énigmatique.
C’est quoi en fait le métier d’écrivain ? Une drôle de profession qui rime parfois avec confession. Un jeu dans la mise en scène de la pensée, rebelle, drôle, fugitive…
Aujourd’hui, tout le monde peut écrire. Il suffit d’en avoir l’idée et l’envie. Facebook est comme un  journal, partagé avec le plus grand nombre. Une impression, une photo, quelques lignes et hop, on poste !
Moi, la première… Sans compter l’essor des blogs. Et du storytelling qui a envahi le monde de l’entreprise et de la communication. Mais écrire, ça s’apprend ou pas ? Les ateliers d’écriture, très en vogue, semblent confirmer la tendance. On pourrait ainsi paraphraser Simone de Beauvoir : « On ne naît pas écrivain, on le devient ».
Mais écrire quoi, pour qui et comment au juste ?
 
Regardez Sagan, un premier livre et déjà la signature d’une œuvre.
Ou encore Modiano, toute une vie ou presque à  raconter la même histoire… avec les mêmes personnages un peu troubles. Le Paris de l’occupation, ses ombres. Et pour les faire renaître, une écriture des plus limpides jusqu’au magnifique Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier. Ecrire comme une nécessité, une identité retrouvée… On n’imagine pas Modiano faire autre chose dans l’existence. C’est un écrivain. E Basta !
 
Me replongeant dernièrement dans des textes d’Elsa Triolet, je mesurais toute la difficulté qu’elle avait pu avoir à passer du russe, sa langue natale, au français. Contrairement à Nathalie Sarraute, sa compatriote, arrivée en France à l’âge de 2 ans, Elsa a vécu toute son enfance et son adolescence en Russie. Et même si elle écrit alors son journal en français, elle continue à penser en russe. C’est peut-être aussi l’origine de la musique particulière, dissonante parfois, que l’on perçoit dans l’œuvre de la romancière.
L’écriture est inégale, à l’image d’une marche tantôt plus haute, tantôt plus basse, mais nous touche grâce à cette singularité. Toute sa vie Elsa aura écrit, de Fraise des Bois à l’ultime publication,  Le rossignol se tait à l’aube. Ce dernier livre est un aller et retour entre l’ici et maintenant, et ce passé qui a fini par passer… Un testament ombré d’un doute, celui d’avoir été bien comprise, et de la peur d’être restée une étrangère, malgré tout …
 
La militante, la combattante que fut Elsa s’éloigne. L’époque est à d’autres luttes. La littérature aussi a changé. C’est l’aube du nouveau roman. Des voix se taisent, d’autres s’élèvent. Le rossignol a fini de chanter…
 
En allant visiter la maison d’Elsa et de Louis, au Moulin de Villeneuve à Saint Arnould, dans quelques jours, j’aurai en tête ses mots à elle, ses mots à lui, comme l’épitaphe sur leur tombe. Mais aussi une clarté telle la lumière des étoiles mortes qui continue à briller, longtemps après. Quand elles brillent en duo, c’est encore plus beau…
Un éclat, un rayonnement dans la nuit.
Aragon, extrait de La rose et le réséda, pour finir de nous éclairer :    
 
                            Celui qui croyait au ciel
                            Celui qui n’y croyait pas
                            Tous deux adoraient la belle,
                            Prisonnière des soldats…..   
                            Lequel montait à l’échelle
                            Et lequel guettait en bas
                            Celui qui croyait au ciel
                            Celui qui n’y croyait pas
                            Qu’importe comment s’appelle
                            Cette clarté sur leur pas
                            Que l’un fut de la chapelle
                            Et l’autre s’y dérobât
                            Celui qui croyait au ciel
                            Celui qui n’y croyait pas

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire